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Le trumpisme est-il soluble dans la politique américaine ?

Que restera-t-il du trumpisme aux États-Unis maintenant que Trump a quitté la Maison-Blanche ? Les républicains vont-ils marcher dans les traces de ce président ou bien tourner la page ? Que peut-on dire des effets du trumpisme sur la démocratie américaine ? Mais, avant tout, comment tout cela a-t-il commencé ? Que s’est-il passé pour que Donald Trump soit élu en 2016 puis récolte, en 2020, malgré sa défaite, douze millions de suffrages supplémentaires ?

Trump, une nouvelle étape dans l’histoire du conservatisme américain

Lorsque, en 2015, l’homme d’affaires rendu célèbre par la téléréalité et les émissions de divertissement a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle depuis sa Trump Tower de New York, il n’a été pris au sérieux ni par le parti républicain ni par le parti démocrate. Guidé par l’ambition d’entretenir sa « marque » (« branding »), sa notoriété et son influence à travers cet engagement politique, Donald Trump a bénéficié de circonstances exceptionnelles qui l’ont porté, de justesse, au pouvoir. Pour parvenir au sommet, il a su tirer avantage des craintes et des aspirations d’une Amérique qui n’a jamais accepté d’avoir Barack Obama pour président. Il a aussi profité du trop faible engouement qu’Hillary Clinton suscitait chez les démocrates. Mais le trumpisme plonge ses racines dans une histoire plus longue des droites américaines.

La crise économique de 2008 et, avant elle, un mouvement progressif mais continu de désindustrialisation entamé dans les années 1970 ainsi que la mondialisation économique (et le maintien d’un coût du travail très bas dans les pays émergents qui en a résulté) ont occasionné un déclassement social d’une partie de la population américaine, fortement ressenti dans la petite classe moyenne blanche du Midwest. Celle-ci n’a pas accepté que la promesse de prospérité et d’ascension sociale ne soit plus tenue. La doctrine du libre-échange a ainsi engendré de fortes réticences en raison de la part croissante de la Chine dans le commerce mondial et de la toute-puissance de la finance internationale. En a découlé un besoin de protection et de repli sur soi qui s’est exprimé sur le plan économique, mais aussi identitaire : une certaine Amérique blanche, traditionnelle a eu peur de disparaître du fait des évolutions démographiques et notamment migratoires, de l’évolution des mœurs et de la circulation de nouveaux modèles et contenus culturels.

Les responsables politiques, médiatiques, intellectuels, économiques, de droite comme de gauche, issus des universités de l’Ivy League et d’une « élite managériale » cosmopolite, symboles d’une Amérique décadente, ont été perçus comme les complices de cette Amérique-là. Républicains comme démocrates ont sous-estimé ce sentiment de trahison et, par le fonctionnement même des partis politiques, se sont révélés incapables d’y faire face. Ce ressentiment a été capté par d’autres médias nés dans les années 1980 (stations de radio ultra-conservatrices) ou 2000 (sites et forums Internet, réseaux sociaux, chaînes de télévision comme Fox News) et par celui qui s’est présenté comme l’« outsider », l’anti-modèle, l’opposé de ces élites : Donald Trump.

Le parti républicain uni derrière Trump

En 2016, Trump a réussi le tour de force de capter les déçus de la petite classe moyenne blanche du Midwest, mais …