Haut-Karabagh : radioscopie du conflit

n° 170 - Hiver 2021

Politique Internationale Une question toute simple pour commencer : qui a déclenché la guerre au Haut-Karabagh ?

Edward Nalbandian (1) — La réponse ne fait aucun doute. Qu’il s’agisse de la première guerre de 1992-1994, de l’agression militaire d’avril 2016 ou de la nouvelle guerre de septembre-novembre 2020, toutes ont été déclenchées par l’Azerbaïdjan. Aussi bien pendant la première que la dernière guerre, Bakou a employé des mercenaires liés à des organisations terroristes notoires — ce qui a été confirmé par de hauts responsables à Moscou, Paris, Washington et dans d’autres capitales ainsi que par diverses organisations internationales. On sait que, lors des deux premières agressions, Bakou a bénéficié du soutien moral et militaire d’Ankara. On pourrait alors affirmer sans exagération aucune que l’initiateur de la nouvelle guerre aux côtés de l’Azerbaïdjan était la Turquie, qui a d’ailleurs été directement impliquée dans les opérations militaires. Cette guerre à grande échelle, où tous types d’armements ont été utilisés, a constitué une violation flagrante des accords de cessez-le-feu de 1994-1995 conclus, pour une durée indéterminée, entre l’Azerbaïdjan, le Haut-Karabagh et l’Arménie. En particulier de l’un des principes fondamentaux mis en avant par les coprésidents du groupe de Minsk de l’OSCE, celui du non-recours à la force. Pendant des années, ce principe a figuré pratiquement dans tous les documents relatifs au Haut-Karabagh adoptés au niveau des chefs d’État, des ministres des Affaires étrangères et des ambassadeurs des pays coprésidents du groupe de Minsk. La guerre a été déclenchée au mépris de l’appel du secrétaire général de l’ONU du 23 mars 2020, soutenu par 170 États, à un cessez-le-feu global dans le contexte de la pandémie, et en violation de la résolution n° 2532 du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée à l’unanimité le 1er juillet 2020.

 

Cette guerre a été non seulement une agression contre l’Artsakh (le Haut-Karabagh) et le peuple arménien, mais aussi un défi lancé par l’Azerbaïdjan et la Turquie aux pays coprésidents du groupe de Minsk — la Russie, les États-Unis et la France — ainsi qu’à l’ensemble de la communauté internationale.

Mais la question — qui a déclenché la nouvelle guerre ? — est extrêmement importante car elle pose également celle de la responsabilité des milliers de tués, de blessés, de disparus et de destins brisés, des destructions effroyables, des graves atteintes au droit humanitaire. On ne doit pas fermer les yeux sur ces horreurs, surtout quand ceux qui les ont commises se pavanent publiquement.

« La guerre est un crime que n’excuse pas la victoire », disait Voltaire.

P. I. Les coprésidents ont fait beaucoup d’efforts pour empêcher l’escalade. Pourquoi ça n’a pas marché ?

E. N. — Pour une raison très simple. L’Azerbaïdjan, contrairement à l’Arménie, a rejeté les propositions des coprésidents du groupe de Minsk relatives à la réaffirmation des engagements sur un règlement exclusivement pacifique du conflit. Les coprésidents ont plus d’une fois proposé de renforcer les moyens du bureau du représentant personnel du président en exercice de l’OSCE pour la surveillance du respect du régime de cessez-le-feu. …

Sommaire

Haut-Karabagh : radioscopie du conflit

Entretien avec Edward Nalbandian

Biélorussie : la présidente

Entretien avec Svetlana Tikhanovskaïa par Natalia Routkevitch

Enjeux et défis de la crise biélorusse

par Olga Gille-Belova

La Russie finira-t-elle par lâcher Loukachenko ?

Entretien avec Pavel Latushka par Galia Ackerman

La France et ses armées : revue de détail

Entretien avec François Lecointre par Isabelle Lasserre

Europe : oser la puissance

Entretien avec Clément Beaune par Isabelle Lasserre

L’Union européenne, protectrice des libertés

Entretien avec Didier Reynders par Baudouin Bollaert

Europe de la défense et défense de l’Europe

Entretien avec Bernard Rogel par François Clemenceau

De l’utilité des crises

Entretien avec Bernard Cazeneuve par Bruno Tertrais

Le Moyen-Orient à l'heure des accords d'Abraham

par Jean-Pierre Filiu

Le conflit israélo-palestinien au révélateur du coronavirus

Entretien avec Micah Goodman par Myriam Danan

Turquie-Europe : le piège de l’apaisement

par Nicolas Baverez

Inquiétante Turquie

par Nora Seni

Ankara : l’État de droit suspendu

par Guillaume Perrier

La Grèce face aux ambitions turques

Entretien avec Dora Bakoyannis par Alexia Kefalas

Ukraine-Russie : le go-between

Entretien avec Viktor Medvedtchouk par Grégory Jullien

Moldavie : le long combat contre la corruption

Entretien avec Maia Sandu par Sébastien Gobert

Le trumpisme est-il soluble dans la politique américaine ?

par Marie-Cécile Naves

Le commerce international dans la tourmente

Entretien avec Isabelle Méjean par Frédéric de Monicault

Le jeu dangereux des géants du Net

par Éric Mechoulan