Né le 23 janvier 1954 à Liverpool et ordonné prêtre en 1977, Mgr Gallagher intègre la diplomatie vaticane après un doctorat en droit canon. Il commence à faire ses armes dans les nonciatures apostoliques de Tanzanie, des Philippines, du Guatemala, d’Australie, puis du Burundi où il arrive dans des conditions dramatiques, quelques semaines après l’assassinat en décembre 2003 de son prédécesseur irlandais, Mgr Michael Courtney. Comme ce dernier, Mgr Gallagher a également été l’Observateur permanent du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg, sa dernière mission avant que le pape François le nomme au poste clé des « Affaires étrangères », fin 2014.
L’actuel chef d’orchestre de la diplomatie ecclésiastique se fait rarement entendre dans les médias. Pas plus que le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin : ces hommes de l’ombre, en effet, ne courent pas après les micros. Ils cultivent au contraire une tradition de discrétion, voire de secret, qui est le corollaire de la diplomatie de l’Église et l’une des vertus cardinales de ce « soft power » par lequel Rome exerce son influence dans le monde. L’interview qu’il nous a accordée est à ce titre exceptionnelle. Sous le ton feutré et parfois entre les lignes, les propos de Mgr Gallagher révèlent les principes généraux qui fondent l’approche du Vatican en matière de politique internationale, sans occulter les lignes de friction susceptibles d’en découler dans les relations avec les autres États…
C. C.-C.
Constance Colonna-Cesari — Malgré les risques sanitaires et sécuritaires, le pape François s’est rendu en Irak en mars dernier. Cette visite n’avait manifestement pas pour unique objet de soutenir les chrétiens irakiens persécutés et chassés de leurs terres. Quelles en étaient les autres dimensions ?
Mgr Paul Richard Gallagher — J’en vois trois principales : à travers cette visite, le pape a d’abord voulu marquer sa proximité envers la communauté chrétienne d’Irak, qui est présente sur cette terre depuis le temps des Apôtres. Il a aussi adressé à ce pays, qui tente de se remettre debout et de sortir d’une longue période troublée, un message d’encouragement. Enfin, par ce voyage, le Souverain pontife visait à manifester son soutien au dialogue interreligieux et à donner un signe en ce sens à tout le Moyen-Orient. Aller en Irak fut comme aller aux racines et redécouvrir le fondement du vivre-ensemble dans la paix et la concorde. Le pape a ainsi rappelé l’importance de vivre la différence dans un esprit de coopération et d’harmonie plutôt que dans une logique de conflit. C’est une parole que le monde entier a besoin d’entendre, surtout de nos jours, alors que la diversité est trop souvent considérée comme un obstacle à éliminer. Et l’Irak est appelé à en témoigner. Cette parole forte portée par le Souverain pontife et sa présence même sur la terre d’Irak, en dépit des risques avérés, ont eu un écho très important. Ce voyage, qui fut salué par de nombreux responsables politiques et qualifié même d’« historique » par beaucoup de commentateurs, a démontré tout le poids que la personnalité du pape exerce au plan diplomatique et géopolitique de Washington jusqu’à Téhéran.
C. C.-C. — L’État et le gouvernement irakiens en sortiront-ils selon vous renforcés, de même que les autorités de la région autonome du Kurdistan irakien auxquelles le pape a également rendu visite ? Qu’attend très concrètement le Vatican des retombées d’une telle visite ?
P. R. G. — Les institutions irakiennes, après toutes ces années de conflit, sont très fragiles. Elles ont besoin d’être aidées et consolidées. Le pape s’est rendu sur place à l’invitation des autorités du pays, à commencer par le président Barham Salih qui, à diverses reprises et ici même au Vatican, a exprimé le souhait de faire en sorte que l’Irak se tienne en marge des conflits régionaux et devienne un lieu de rencontre et de dialogue. Il y a un besoin de paix, de reconstruction et de réconciliation. L’appui du Saint-Siège était aussi sollicité dans ce sens. Or, comme l’a rappelé le pape François, au milieu de la tempête, la paix suppose de « ramer ensemble du même côté ». C’est pourquoi il est nécessaire que chaque citoyen puisse prendre part à la reconstruction du pays, que les droits fondamentaux soient reconnus et garantis à tous et qu’aucun ne se sente citoyen « de seconde classe ».
C. C.-C. — Le pape a signé, en février 2019, avec le recteur de l’Université Al-Azhar du Caire, le Document sur la Fraternité (1) qui jette les bases d’un nouveau dialogue …
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