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Le crépuscule du bolsonarisme

Le Brésil vit plusieurs crises simultanément. À une situation sanitaire dramatique, à une économie à l’arrêt, à un système judiciaire dont la crédibilité est érodée, s’ajoute une polarisation politique extrême. Alors que le pays enregistre chaque jour jusqu’à 2 000 morts de la Covid-19 et que la campagne de vaccination n’en est encore qu’à ses débuts faute de doses, le président Jair Bolsonaro est de plus en plus critiqué pour sa gestion de l’épidémie, qui ne cesse de se propager.

ien que son socle de sympathisants se maintienne aux alentours de 25 % à 30 % de l’électorat — un score considérable compte tenu des difficultés économiques, sanitaires et sociales —, ses perspectives de réélection s’amenuisent au fur et à mesure que les piliers de sa majorité gouvernementale se fissurent.

Bolsonaro peut-il faire face à une procédure de destitution ? Quelles sont les perspectives politiques et économiques du pays d’ici à l’élection présidentielle de 2022 ? L’opposition est-elle capable de reconquérir le pouvoir ?

Un gouvernement sans cap ni perspective

Le président Jair Bolsonaro aborde la seconde moitié de son mandat en position de faiblesse. Selon les derniers sondages publiés par la presse, il serait facilement détrôné par l’ancien président Luis Inácio Lula da Silva avec un écart de 15 à 23 points (selon les instituts) au second tour. S’il est encore trop tôt pour savoir si ces chiffres seront durables ou non, la trajectoire déclinante des opinions favorables à Bolsonaro n’en traduit pas moins une indéniable fragilité. Dans la pratique, le rejet du président brésilien est désormais plus fort que la méfiance qu’inspirait il y a encore peu de temps le Parti des Travailleurs (et la personne de Lula) — un clivage qui a structuré pour une large part la vie politique du pays des dernières années, notamment à la suite de la destitution de l’ancienne présidente Dilma Rousseff en 2016 (1).

Durant les deux premières années de son mandat, sa stratégie qui visait à dicter l’ordre du jour politique au moyen de campagnes agressives sur les réseaux sociaux avait permis à Bolsonaro d’être le « maître des horloges » médiatiques. Mais, aujourd’hui, ce mécanisme semble se gripper. La pandémie — et ses plus de 500 000 morts — a révélé l’incapacité du gouvernement à conduire la moindre politique publique et à fixer un cap. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ce flottement dans la prise de décision ne résulte pas d’une erreur tactique ; c’est bien le fruit d’une politique assumée, dès son investiture, par le locataire du palais du Planalto.

Bolsonaro se définit avant tout par rapport à ce qu’il rejette. Le bolsonarisme, en effet, ne constitue pas un véritable « projet » pour le Brésil. Son ambition est de détruire les institutions de la « nouvelle République » issue de la Constitution de 1988 (2) et de s’attaquer à tout ce qui ressemble de près ou de loin à la gauche, voire au pluralisme politique, comme il l’a avoué dans l’un de ses rares discours consacrés aux idées qui l’animent, en mars 2019, à l’ambassade du Brésil à Washington (3).

Bolsonaro a toujours assumé son aversion pour …