Le 1er juillet 1997, jour de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, le New York Times publiait en première page une tribune de Nicholas Kristof titrée « l’année du cheval de Troie ». Le journaliste deux fois prix Pulitzer se réjouissait à la perspective de voir l’ancienne colonie britannique, désormais retournée au sein de la mère patrie communiste, changer celle-ci de l’intérieur, tel le cheval de Troie : « D’ici vingt ans, la Chine ressemblera plus à Hong Kong aujourd’hui que Hong Kong à la Chine, sur le plan économique, politique et social. »
Le 8 mars 2000, dans un discours à l’Université Johns Hopkins, Bill Clinton plaidait avec ferveur pour l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) : « L’accord de l’OMC va mettre la Chine sur la bonne voie (…). Elle fera sienne l’une des valeurs les plus chères à la démocratie : la liberté économique. » Selon le président démocrate, les militants des droits de l’homme, en Chine et à Hong Kong, auraient eu la clairvoyance de reconnaître dans l’accord de l’OMC un cheval de Troie et de l’approuver…
En 2002, ébloui par le succès économique de Hong Kong, Milton Friedman déclarait que « la liberté politique, aussi désirable soit-elle, n’est pas une condition nécessaire aux libertés économiques et civiles ». L’économiste nobélisé de Chicago estimait que la Chine avait encore un long chemin à parcourir, mais qu’elle évoluait dans la bonne direction.
En cette même année 2002, au retour de son voyage en Chine, Samuel Pisar, avocat et écrivain renommé — et beau-père d’Antony Blinken, l’actuel secrétaire d’État de Joe Biden —, estimait dans un article paru dans Le Monde (7 novembre 2002) que les dirigeants chinois adoptaient une approche plus intelligente que les Soviétiques en jouant « d’abord la carte de l’économie et du commerce ». Convaincu que la globalisation diluerait l’idéologie, l’ancien conseiller du président Kennedy allait jusqu’à croire qu’« à terme, la marginalisation du système communiste chinois (…) semble également inévitable ». « On peut même se demander si tel n’est pas le désir secret de ses dirigeants pragmatiques », ajoutait-il dans un élan d’optimisme. Et pourtant…
Les illusions perdues
Le 1er juillet 2020, malgré une année d’immenses manifestations pro-démocratiques, les 8 millions de Hongkongais se voient imposer par Pékin une loi sur la sécurité nationale qui étouffe la société civile et signe l’arrêt de mort de cette « liberté civile » qui avait tant émerveillé le professeur Friedman.
Un triste constat s’impose : plus de vingt ans après, contrairement au mythe grec, le scénario imaginé par les adeptes du libre-échange — une Chine démocratisée de l’intérieur — a connu un tout autre dénouement. L’empire du Milieu a accueilli le cheval de Troie à bras ouverts pour mieux le démembrer et en disposer à sa guise. Non seulement le basculement démocratique du régime communiste n’a pas eu lieu, mais les libertés des citoyens de Hong Kong n’ont jamais été aussi dégradées.
Quant à l’OMC, plus personne ne peut nier que l’entrée de la Chine dans le commerce international ne l’a pas, contrairement aux arguments avancés à l’époque, conduite sur la voie de …
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