Thomas Hofnung — En ce printemps 2021, certaines voix affirment que la France serait au bord de la guerre civile. Comment réagissez-vous ?
Laurent Nuñez — Je récuse fermement cette expression : il n’y a ni guerre civile ni même menace de guerre civile dans notre pays. Dans une tribune de presse parue récemment dans un journal, et dont certains signataires se sont désolidarisés par la suite, des militaires ont voulu de manière anonyme dénoncer une forme de délinquance dans les quartiers, la menace du terrorisme islamiste et celle du séparatisme. Avec un seul objectif : pointer la défaillance de l’État. Mais nous avons pris à bras-le-corps ces problèmes bien réels et nous les traitons !
Ce qui pose problème dans les quartiers, tout le monde le sait, c’est le trafic de stupéfiants. Nous sommes très mobilisés sur ce sujet : nous faisons en sorte que tous les services travaillent ensemble, échangent des informations, et nous veillons parallèlement à impliquer dans cette lutte de nouveaux acteurs comme les élus locaux. Ce faisant, nous généralisons une méthode qui a d’abord été expérimentée en 2015-2016 à Marseille quand j’étais préfet de police. Et cela produit des résultats tangibles : nous parvenons à démanteler beaucoup plus de points de vente que par le passé. Bien entendu, cette lutte contre les stupéfiants ne doit pas être que répressive et doit s’accompagner d’une action éducative, d’aide aux quartiers en difficulté. Car il faut bien avoir à l’esprit que certains jeunes basculent dans le trafic faute de perspectives. Il ne s’agit donc pas seulement d’une question de sécurité.
T. H. — Le terme de séparatisme, mis en exergue par le gouvernement, n’est-il pas un peu outrancier ?
L. N. — Nous l’assumons totalement. Ce dont on parle essentiellement, c’est de la radicalisation islamiste sunnite, même s’il existe d’autres formes de radicalisme, bien évidemment, mais plus minoritaires. Je voudrais d’abord insister sur un changement majeur : jusqu’en 2018, notre dispositif de puissance publique était uniquement orienté vers la radicalisation violente. Nous nous efforcions de prévenir des actions terroristes en essayant de détecter ce type de radicalisation. Il s’agissait donc d’un dispositif de lutte anti-terroriste et non de lutte contre le séparatisme idéologique islamiste. Or celui-ci ne s’apparente pas forcément à un processus de radicalisation violente. Il passe par l’affirmation selon laquelle la loi religieuse et le mode de vie afférent s’imposent à la loi de la République. Cela se traduit par des demandes en termes d’organisation des services publics qui vont à l’encontre du vivre-ensemble : la possibilité de scolariser les enfants en dehors des réglementations légales, la discrimination hommes-femmes, une pression exercée sur certains élus pour obtenir une organisation des services publics conformes à la religion, des horaires hommes-femmes dans les services publics, etc. C’est ce à quoi nous nous sommes attaqués dès 2018 dans quinze quartiers en procédant à des contrôles de structures communautaristes à l’aide des outils du droit commun (contrôles Urssaf, fiscaux, sanitaires, etc.).
T. H. — Rien de tout cela n’avait été fait auparavant ?
L. N. — En tout cas, il n’y avait …
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