Depuis son élection en juillet 2019, Kyriakos Mitsotakis, premier ministre conservateur de Grèce, a été confronté à un triple défi : la pandémie de Covid-19 ; la pression migratoire venue du Moyen- Orient via la Turquie ; et les effets de la crise économique qui a frappé le pays il y a plus de dix ans. À 54 ans, ce polyglotte multidiplômé, issu d’une grande famille politique grecque, mise sur la fermeté, n’en déplaise à certains. Inquiet des conséquences de la guerre en Ukraine, il a décidé de prendre les devants et de rencontrer son homologue turc, le président Recep Tayipp Erdogan, après des années de tensions entre les deux pays. Il se confie à Politique Internationale.
A. K.
Alexia Kefalas — Il y a deux mois, la guerre a refait irruption en Europe. Quelle est votre réaction ?
Kyriakos Mitsotakis — Nous sommes face à l’invasion par la Russie d’un pays européen indépendant et souverain. C’est une violation abominable de la charte des Nations unies, un acte d’agression illégal et totalement injustifié. Les pertes civiles que l’on dénombre à la suite des bombardements russes sont monstrueuses ; l’ampleur des souffrances humaines, incommensurable. La Grèce a toujours été du bon côté de l’Histoire et il en est de même aujourd’hui. Nous appartenons à l’Occident, au camp de la liberté et de la démocratie. La Grèce est solidaire du peuple ukrainien, qui comprend d’ailleurs une importante minorité grecque. En collaboration avec nos partenaires de l’UE, nous avons aussitôt réagi en imposant une série de sanctions sans précédent. Mais, vous le savez, la situation évolue si rapidement que nous devons réfléchir tous ensemble, en tant qu’Européens, aux implications de cette nouvelle réalité sécuritaire. En l’espace de quelques jours, le consensus de l’après-guerre froide a volé en éclats. Nous devons maintenant être prêts à écrire un nouveau chapitre de la sécurité européenne et à planifier l’avenir en réponse à la situation en Ukraine. Il est primordial de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe, ce qui passe par une augmentation des dépenses de défense, non seulement dans le cadre de l’Otan, mais aussi dans celui de l’Union européenne. Trop longtemps, l’Europe s’est montrée hésitante. Elle doit aujourd’hui se lever et développer de nouvelles capacités afin d’être à la hauteur de l’attente de ses citoyens.
A. K. — Dans quelle mesure la Grèce contribue-t-elle à cet effort de réarmement moral et matériel que vous appelez de vos vœux ?
K. M. — Lorsque l’État de droit, la sécurité, la liberté et la prospérité sont en jeu, les nations doivent faire face ensemble et défendre ces valeurs. Oui, la sécurité à un prix et il faut être prêt à le payer. Pour cela, il faut une politique étrangère active avec une vision et un objectif clairs.
Prenez l’accord — que je qualifierais d’historique — conclu en septembre dernier avec la France (1). Cet accord revêt une importance stratégique pour nos deux pays et pour l’ensemble de la Méditerranée. C’est un exemple de cette doctrine de sécurité mutuelle et de coopération que j’évoquais, qui va au-delà des obligations que la France et la Grèce ont l’une envers l’autre en tant que membres de l’UE et de l’Alliance atlantique.
Le texte prévoit, en effet, une clause d’assistance mutuelle en cas d’agression contre l’un ou l’autre des signataires, avec intervention immédiate. Le président Macron a déclaré qu’il protégerait la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité de nos deux États et de l’Europe, et qu’il contribuerait à maintenir la paix et la sécurité internationales. Je ne peux que souscrire à ses propos. Au- delà de cette déclaration d’intention, l’accord comprend un volet matériel portant sur l’achat de Rafale et la livraison de trois navires de guerre à Athènes.
Je citerai également l’accord …
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