La guerre en Ukraine a ramené le président Recep Tayyip Erdogan sous la loupe de l’actualité internationale et lui a offert, après une longue période d’isolement, une consécration inespérée, une quasi- bouée de sauvetage à environ un an d’un enjeu électoral crucial, l’élection présidentielle prévue en juin 2023.
Revenu en grâce auprès de ses alliés occidentaux, auréolé des lauriers du faiseur de paix, assuré d’avoir un rôle à jouer dans la recomposition géopolitique du bassin de la mer Noire, il tente de tirer parti de la crise au mieux de ses intérêts. Son repositionnement est-il durable ? À moins qu’il ne s’agisse d’un nouveau tour de passe-passe diplomatique destiné à redorer son blason terni…
Compromise par l’usure de son pouvoir et par les difficultés économiques croissantes que connaît le pays (1), sa réélection, l’année du centenaire de la république, est loin d’être assurée. Friand de sondages, le « leader mondial », comme le surnomment ses partisans, n’est pas sans savoir que sa popularité s’étiole. Si les élections, présidentielle et législatives prévues en juin 2023, étaient anticipées, il n’en sortirait pas vainqueur (2).
En condamnant l’agression russe, qualifiée d’« illégale », M. Erdogan s’est rangé aux côtés de l’Otan, dont il s’était démarqué ces dernières années en achetant des missiles russes anti-aériens S-400 conçus à l’origine pour détecter et détruire les avions de l’Alliance (3). Sa posture ambivalente — un pied dans l’Alliance, l’autre en Russie — avait fini par semer le doute sur sa fiabilité.
L’espace d’un moment, ce doute a été levé. Son retour au bercail, dès le début de la crise russo-ukrainienne, a suscité le soulagement de ses alliés transatlantiques, prêts à « oublier » les contentieux passés — en Libye, en Méditerranée orientale, en Syrie — et disposés à fermer les yeux sur sa destruction méthodique de l’État de droit dans son propre pays.
Incorrigibles Occidentaux ! On les a vus se presser à Ankara, où pas moins de quatre dirigeants de l’Union européenne et de l’Otan (4) sont venus visiter leur « précieux allié », selon l’expression de Jens Stoltenberg. Dans la foulée, la relation avec la France s’est réchauffée. La glace a été rompue avec le président français, Emmanuel Macron, chez qui M. Erdogan avait pourtant cru déceler un problème de « santé mentale » quelques mois après un grave incident naval survenu entre des navires turc et français en Méditerranée au printemps 2020.
Chaud et froid avec l’Otan
Mais à peine ces retrouvailles avaient-elles été scellées que M. Erdogan gâchait la fête, annonçant son intention de faire dérailler le processus d’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Otan, brusquement décrit comme « une menace pesant sur la sécurité nationale » de la Turquie. Tout élargissement étant soumis à l’approbation unanime des autres membres de l’Alliance, la Turquie cherche à monnayer son droit de veto, tout en niant vouloir en faire usage. En réalité, des contreparties sont attendues, comme l’extradition d’opposants politiques réfugiés dans ces pays, la levée des embargos sur les armes …
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