Les Grands de ce monde s'expriment dans

L'Ukraine, combien de divisions religieuses ?

Derrière l’abominable feuilleton des cent premiers jours de la guerre en Ukraine se glissent d’autres épisodes complexes à démêler. Car, au-delà des aspects militaires, politiques ou humanitaires, une guerre moins visible fait rage : une guerre religieuse. Or celle-ci, pas plus que la première, ne semble mener à une éclatante victoire russe, bien au contraire.

Ce conflit, qui implique directement le patriarche de l’Église de Moscou, Kirill, et la hiérarchie placée sous sa juridiction en Ukraine, touche en réalité l’ensemble des Églises et des communautés chrétiennes présentes dans la région, avec des enjeux très variables pour chacune d’entre elles. Tous les leaders spirituels de ces communautés sont concernés, y compris le pape dont le rôle est sévèrement questionné par cet événement international d’une portée majeure.

Mais que fait le pape ?

« Mais que fait le pape ? », s’est égosillé Francis Huster au micro de France Info, le 9 mars dernier, en exigeant que le souverain pontife se rende d’urgence à Kiev ! Cette indignation, l’acteur français n’a pas été le seul à la relayer. De nombreux hashtags l’ont diffusée sur Twitter. Elle a même grondé jusqu’en Argentine, où François a subi les attaques nourries d’une partie de la presse de son pays. Là-bas aussi, on lui a reproché d’abandonner à son sort une capitale pourtant située à des milliers de kilomètres de Buenos Aires ! Au point qu’il a finalement pris la plume pour adresser une lettre de remerciement à l’un des rares journalistes argentins ayant pris sa défense.

Cette doléance qu’expriment nombre d’opinions publiques, en Europe et ailleurs, mérite que l’on s’y arrête un court instant. Est-elle fondée ou non ? A-t-on jamais réclamé que le pape se rende en Syrie, au Yémen, au Soudan, en Éthiopie, dans le Haut-Karabakh, voire en Irak ou en Tchétchénie dans les décennies précédentes ? La question n’est pas anodine, puisqu’il en va du rôle et de la place du pape dans les relations internationales.

Au-delà de ce débat, force est de rappeler que c’est François lui-même qui a fait ressurgir la question de son éventuelle visite à Kiev. L’occasion s’en est présentée le 2 avril, à bord du vol papal en direction de Malte lorsque, à la question d’un journaliste à propos de cette visite, il a répondu qu’elle était « sur la table ». Pourtant, rien de neuf depuis. Ou plutôt si, mais une marche-arrière : l’annulation de la rencontre qui venait d’être programmée pour le mois de juin à Jérusalem avec le patriarche de Moscou, Kirill. Ce second rendez- vous historique après celui de La Havane, en 2016, avait été envisagé lors d’une visio-conférence organisée entre les deux hommes, le 16 mars, elle-même précédée d’une visite impromptue du pape auprès de l’ambassadeur russe au Vatican, quinze jours auparavant, au lendemain du déclenchement de l’invasion de l’Ukraine.

L’échec de cette rencontre entre François et Kirill à Jérusalem écarte sans doute la perspective d’une visite pontificale à Kiev — ce geste en faveur de la paix et du soutien aux …