Eté 1989. Alors que la France célèbre le bicentenaire de la Révolution, l'Europe de l'Est est le théâtre d'un bouleversement historique. En juin sont organisées en Pologne des élections législatives semi-libres. Quelques mois plus tard, la chute du mur de Berlin symbolise l'échec d'un système - politique, économique et social - et le retour de « l'Autre Europe » au sein de sa famille naturelle, celle des démocraties à économies de marché. Une décennie plus tard, les symboles ont fait place aux réalités - des réalités fortement contrastées selon les pays. En avril dernier, au moment même où le drame yougoslave connaissait un nouvel épisode tragique, Gazeta Wyborcza, le quotidien créé par Solidarité, était introduit en Bourse à Varsovie...
Mais le catastrophisme n'est pas plus de mise aujourd'hui que ne l'était un certain angélisme il y a dix ans. Force est d'abord de constater la variété des situations dans lesquelles se trouvent les pays de l'ancien bloc communiste. En schématisant, trois grands groupes se dessinent. Le premier rassemble les pays d'Europe centrale (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie), où la régulation économique procède de plus en plus de mécanismes de marché, décentralisés et privés, dans un environnement macroéconomique assaini. Le second est représenté par les Etats de la CEI, où l'effondrement de la planification a donné naissance à un système hybride et instable, dont la crise russe d'août 1998 (1) a révélé la fragilité. Le troisième groupe, intermédiaire entre les deux précédents, comprend les pays de l'Europe du Sud-Est.
Le danger serait ici de tomber dans une lecture exclusivement géographique de la transition. Sur dix candidats, cinq pays seulement avaient été invités, lors du sommet de Luxembourg de décembre 1997, à engager des négociations d'adhésion à l'Union européenne. La Slovaquie avait été écartée alors que la Slovénie et l'Estonie avaient été retenues. La décision, adoptée au sommet d'Helsinki en décembre 1999, d'ouvrir les négociations avec les cinq autres candidats montre que les pays suivent des trajectoires diverses, qui n'ont rien de rectiligne.
De même, il faut résister à la tentation de l'absolu historique et culturel. L'Europe centrale bénéficie, certes, de sa proximité culturelle avec l'Europe occidentale et de ses acquis économiques d'avant-guerre. A l'opposé, la Russie est handicapée par la faiblesse de sa tradition démocratique et les effets persistants du retard économique accumulé dès le XIXe siècle. Soixante-dix ans de communisme ont, par surcroît, contribué à affaiblir l'esprit d'initiative et le goût du risque. Mais si tous ces facteurs affectent la dynamique de transition, ils ne doivent pas conduire à en donner une vision déterministe, voire fataliste. La situation actuelle résulte aussi de stratégies et de politiques économiques qui ont cherché avec plus ou moins de conviction, de cohérence et de bonheur à concilier au mieux les objectifs et les contraintes propres à tout changement de système.
Les responsables est-européens ont majoritairement rejeté l'idée d'une « troisième voie », préférant s'inspirer de ce qui existait à l'Ouest. Aussi peut-on considérer que la transition des pays d'Europe centrale - mais non leur …
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