«L'armée peut être un recours temporaire, mais le problème est éminemment politique et la solution ne saurait être militaire.» Eqbal Ahmed (1)
Depuis le «retour de la démocratie» en 1988, les Pakistanais pensaient pourtant en avoir fini avec les régimes militaires. L'ironie du sort a voulu que le comportement d'un dirigeant démocratiquement élu fournisse à l'armée - devenue réticente à exercer directement le pouvoir - plus de prétextes qu'il ne lui en fallait pour intervenir (2). C'est avec un soulagement manifeste, voire en dansant dans la rue et en distribuant des sucreries, que la population a accueilli la nouvelle du coup d'Etat du 12 octobre 1999. Il faut dire que tout cela avait un air de déjà vu: les Pakistanais ont, en effet, l'habitude d'en appeler à l'armée, «seule force organisée et crédible» (3) selon les termes mêmes du général Pervez Musharraf, pour sauver le pays chaque fois qu'un gouvernement élu ne répond plus à leurs attentes.
Le changement au sommet de l'Etat était devenu inévitable depuis la «débâcle» de Kargil (4). Au cours des derniers mois, les personnalités politiques de tous bords avaient fait leur pèlerinage à Washington et chacun surveillait le jeu de pouvoir entre Nawaz Sharif et les militaires. L'inefficacité des institutions avait atteint un tel degré que l'armée n'avait jamais été aussi impliquée dans des tâches civiles, même du temps où elle était au pouvoir (5). Comme a pris soin de le souligner le général Musharraf, les gouvernements qui font appel à l'armée dès qu'ils rencontrent le moindre problème créent eux-mêmes un environnement favorable à son intervention (6).
Pourtant, ceux qui attendaient un changement radical - et ils étaient nombreux dans ce cas! - ont pu être déçus par le premier discours du putschiste. Non seulement il n'apportait rien de nouveau, mais il rappelait étrangement ceux d'Ayub Khan en 1958 et de Zia ul-Haq en 1977. A l'instar de ses prédécesseurs, Pervez Musharraf a affirmé être intervenu pour sauver le pays de la guerre civile et «n'avoir nullement l'intention de rester au pouvoir plus longtemps qu'il ne serait absolument nécessaire pour préparer l'avènement d'une véritable démocratie au Pakistan» (7).
Sans doute ne faut-il pas se laisser abuser par ces rapprochements historiques, si tentants soient-ils (8), car la situation actuelle est beaucoup plus dégradée que lors des précédents coups d'Etat. Les militaires ont pris le pouvoir dans un contexte de crise politique et économique qui semble sans issue. D'aucuns pensent qu'ils ont trop attendu et que leur tentative est vouée à l'échec. Le contexte régional a, lui aussi, fortement changé: le Pakistan, devenu puissance nucléaire, est perçu désormais comme un facteur de déstabilisation en raison de sa politique afghane et de son aventurisme au Cachemire.
En se donnant pour priorités le combat contre la corruption et la relance de l'économie, le général Musharraf ne pouvait que plaire à la population. Son capital de confiance est d'autant plus élevé, auprès de celle-ci, qu'il paraît sincère et motivé. Mais sera-ce suffisant pour lui permettre de réussir là où ses …
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