Les Grands de ce monde s'expriment dans

ALLEMAGNE: LA FEMME PROVIDENTIELLE

Angela Merkel est née à Hambourg, le 17 juin 1954. Elle n'avait pas trois mois lorsque son père, pasteur protestant, fut envoyé en mission en RDA par l'église évangélique, avec sa famille. Entrée en politique après la chute du Mur de Berlin, elle travaille aux côtés du dernier premier ministre d'Allemagne de l'Est, le chrétien-démocrate Lothar de Maizière, jusqu'à l'auto-dissolution de la RDA au sein de l'Allemagne réunifiée. Puis elle poursuit sa carrière politique à l'Ouest auprès d'Helmut Kohl qui l'a prise sous sa protection et l'appelle affectueusement «ma gamine». En 1994, le chancelier lui confie le portefeuille de l'Environnement.

Après son retentissant échec électoral, en septembre 1998, «le père de la réunification» quitte le poste de président de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) qu'il occupait depuis un quart de siècle. Angela Merkel devient alors secrétaire générale de la CDU, tandis que le dauphin en titre de Kohl, Wolfgang Schäuble, accède au poste de no°1.

Au cours de l'année 1999, le duo Schäuble-Merkel fait merveille: il tire la CDU du purgatoire et la conduit de victoire en victoire - aux élections régionales comme aux européennes. Aussi, la crise déclenchée à la mi-novembre 1999 par les révélations concernant les caisses noires de la CDU éclate-t-elle comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Face à la pression qui s'accroît au rythme des informations diffusées par les médias, le président et la secrétaire générale s'épaulent mutuellement. Les premières déclarations publiques d'Angela Merkel sont empreintes d'un certain embarras, mais elle se ressaisit rapidement et apprend à boire, sans grimacer, le calice de la honte. Fin décembre 1999, elle publie dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung un article dans lequel elle coupe le cordon ombilical qui la reliait à Helmut Kohl et conseille à la CDU de «passer à l'âge adulte» - autrement dit: de s'émanciper du patriarche.

L'ex-étudiante chrétienne, devenue intellectuelle anticommuniste au sein de l'Académie des sciences de Berlin-Est (où elle s'est spécialisée dans la physique des quanta), avait appris à faire le gros dos sous la dictature en RDA. Cette expérience lui aura sans doute servi dans la tourmente. Son réalisme sans concessions, sa modestie et, aussi, l'impression de franchise et de probité qui se dégage de sa personne, ont fait d'elle, en très peu de temps, la personnalité politique la plus aimée d'Allemagne. Elle a en commun avec le Kohl des débuts d'avoir été sous-estimée. Est-ce à dire qu'elle est «dramatiquement surestimée», à présent, comme l'écrivait Martin Lambeck dans Die Welt? Quoi qu'il en soit, la crise qui l'a propulsée sur le devant de la scène lui a permis de faire la preuve de sa résistance exceptionnelle aux revers de fortune.

Elle se sort, sans une égratignure, de l'avalanche qui a emporté Wolfgang Schäuble et mis à mal Helmut Kohl. Mieux cotée dans les sondages que Gerhard Schröder et Joschka Fischer, elle est devenue «la meilleure action populaire» de la CDU à la Bourse des valeurs politiques allemandes. On dit d'elle qu'elle est la représentante de la «Génération Internet» dont la CDU a besoin en l'an 2000. Portée par une vague émotionnelle très forte dans un parti qui a perdu une part de son identité et qui la retrouve en elle, Mme Merkel devra transformer cette adhésion à sa personne en bulletins de vote. Première présidente d'un grand parti outre-Rhin, Angela Merkel sera-t-elle la première femme à gouverner l'Allemagne en 2002 ou en 2006?