Faut-il croire au destin ou à la seule volonté ? Sommes-nous les jouets ou les acteurs de l'Histoire ? Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que ce trimestre a placé — ou replacé — sur le devant de la scène internationale un bouquet de personnalités aux trajectoires totalement atypiques. Des personnalités dont notre Rédaction a tenté d'évaluer l'influence réelle et de prévoir les choix futurs.
Étrange destinée, en effet, que celle d'Angela Merkel, 45 ans, fille de pasteur, originaire de la RDA, entrée en politique après la chute du Mur et devenue, aujourd'hui, la « star » incontestée de l'Allemagne réunifiée. Première femme et première citoyenne de l'« Est » à présider la CDU, Mme Merkel parviendra-t-elle à donner une nouvelle jeunesse à son parti et à accéder, après Schröder, à la Chancellerie ?
Étrange destinée, aussi, que celle d'Abdoulaye Wade, avocat, agrégé de sciences économiques, plusieurs fois privé frauduleusement de sa victoire par Abdou Diouf et élu, finalement, après quatre tentatives infructueuses, à la magistrature suprême. A 74 ans, l'idole de la jeunesse sénégalaise saura-t-elle inscrire rapidement dans les faits ce fameux « changement » qui lui a servi de bannière pendant sa campagne ?
Étrange destinée, toujours, que celle de Hillary Clinton, rarissime variété d'épouse de Président en exercice qui se lance à l'assaut d'un siège de sénateur et qui, chemin faisant, prend très librement position sur tous les grands dossiers que continue de gérer son époux — de l'éducation et de la santé au statut de Jérusalem, en passant par l'Otan et la Serbie !
Madame Clinton recevra-t-elle, un jour, Madame Merkel à la Maison-Blanche ?
Étrange destinée, enfin, que celle du nouveau « tsar » Vladimir Poutine, ancien membre du KGB devenu dauphin de Boris Eltsine grâce à des tractations interlopes et dont la popularité, quasi instantanée, doit presque tout à l'éradication des Tchétchènes… Entouré de collaborateurs sortis comme lui des services secrets, adepte d'une reprise en main musclée de la Russie, pourquoi Vladimir Poutine est-il à ce point encensé par ceux-là mêmes qui, en Occident, ne parlent habituellement que de liberté et de démocratie ?
Ces personnages emblématiques et leurs mystères n'ont pas suffi, on s'en doute, à étancher notre curiosité. C'est pourquoi ce Numéro de printemps braque également le projecteur sur tous les grands débats de fond du moment et sur les principaux sujets d'actualité.
Débats de fond.
Que révèle, au juste, l'anti-américanisme qui taraude, de façon récurrente, de nombreuses élites européennes ? Le libéralisme économique a-t-il définitivement vaincu ? La libéralisation des échanges va-t-elle nécessairement de pair avec une élévation du niveau de vie ? Que peut être une « mondialisation à visage humain » ? Existe-t-il des recettes pour transformer une économie handicapée en modèle de croissance ? La « 3e voie » (à la Tony Blair) est-elle réellement un modèle politique nouveau ? Quel est l'avenir de la paix et de la guerre en Europe ? Le droit international humanitaire est-il toujours adapté aux réalités de ce siècle ? La souveraineté ne sert-elle pas, trop souvent, d'alibi aux dictateurs les plus sanguinaires ? Faut-il élargir les limites du droit d'ingérence ?
Pour répondre à ces questions essentielles, nous avons, comme à l'accoutumée, fait appel aux meilleurs experts.
Actualité.
Là encore, nous nous sommes efforcés de ne négliger aucun enjeu décisif, que ces enjeux soient plus ou moins spectaculaires et qu'ils se situent ou non sur le Vieux Continent.
Pour ce qui est du Vieux Continent, on ne s'étonnera guère de voir traités, dans ces pages, des thèmes aussi variés que la guerre en Tchétchénie, les bruits de bottes en Serbie, le rapprochement russo-biélorusse ou les aspirations européennes des anciens satellites de Moscou.
Plus loin de nous, trois étapes nous ont paru inévitables :
— L'Amérique latine. Qui remportera la prochaine élection présidentielle au Mexique ? Quelles seront les conséquences de
la restitution, par Washington, du canal de Panama ? La guérilla colombienne (probablement l'une des plus anciennes du monde) finira-t-elle par déposer les armes ?
— Le monde arabe : après l'échec de la rencontre Clinton-Assad à Genève, que deviendront les négociations de paix syro-israéliennes et quelle sera l'incidence de ces atermoiements sur le retrait israélien du Liban ? Un an après son élection à la tête de l'État algérien, Abdelaziz Bouteflika est-il en train de gagner son triple pari : faire cesser la violence tout en restaurant la démocratie ; remettre l'économie sur les rails de la croissance ; redonner à l'Algérie la place qui lui revient sur l'échiquier international ?
— L'Asie : malgré l'élection, le 18 mars, du candidat réputé le plus indépendantiste, peut-on espérer une décrispation des relations Pékin/Taipeh ? Ne doit-on pas, à l'inverse, redouter que les dirigeants pékinois — qui ont toujours considéré Taiwan comme une « province » parmi d'autres — finissent par faire le choix de la force ?
Aux lecteurs que ces incertaines perspectives rendraient pessimistes, qu'il me soit permis, en guise de conclusion, d'offrir un joli mot de Martin Luther King : « Même si l'on m'annonçait que la fin du monde est pour demain, je planterais quand même un pommier… »
A toutes et à tous : bonne lecture.