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LE RENOUVEAU MEXICAIN

Francisco Labastida sera peut-être le prochain président du Mexique. Cet homme de 58 ans, ancien ministre et ancien gouverneur de l'Etat de Sinaloa, est le candidat du PRI - le Parti révolutionnaire institutionnel au pouvoir depuis sa création en 1929. Mais il n'est pas tout à fait un candidat comme les autres. Pendant sept décennies, en effet, il était d'usage que le président sortant désignât son successeur, lequel l'emportait sans mal grâce à la redoutable machine du parti. Tout comme la fraude électorale, qui fit longtemps partie du paysage, cette pratique - le «dedazo» - a vécu. Pour la première fois, le président en exercice, Ernesto Zedillo, n'a pas choisi son dauphin.

Le PRI a organisé, en novembre dernier, des élections primaires ouvertes non seulement aux militants du parti, mais à tous les citoyens inscrits sur les listes électorales. Près de dix millions d'entre eux ont participé à ce scrutin et, à l'issue d'une bataille assez rude entre plusieurs prétendants, Francisco Labastida l'a emporté. Fort de cette légitimité populaire, il entame la campagne présidentielle en position de favori, face à une opposition divisée.

Le «challenger» traditionnel du PRI, Cuauhtémoc Cardenas, ancien maire de Mexico, se présente sous l'étiquette du Parti de la révolution démocratique (PRD). Grande figure de la gauche mexicaine, fils d'un président légendaire - le général Lazaro Cardenas qui passa à la postérité pour avoir réalisé une importante réforme agraire et nationalisé les entreprises pétrolières dans les années 30 - , Cardenas a, par deux fois déjà, tenté sa chance à la magistrature suprême. Secret, sombre et peu charismatique, il apparaît comme un homme du passé, d'autant que sa gestion de Mexico - ville ingérable il est vrai - n'a pas été un franc succès. Les sondages ne lui laissent guère d'espoir.

A droite, un candidat plus menaçant pour Labastida bat depuis deux ans la campagne: Vicente Fox, ex-gouverneur de l'Etat de Guanajuato et ancien patron de la filiale mexicaine de Coca-Cola. Grand, moustachu, éternellement chaussé de bottes de cow-boy, apprécié des milieux d'affaires, séduisant et excellent orateur, il défend les couleurs du Parti d'action nationale (PAN) qui enregistre ses meilleurs scores dans le nord du pays. Ses chances de l'emporter dépendent de l'éventuelle - mais peu probable - décision de Cardenas de s'effacer en sa faveur. Elles dépendent également, si Cardenas reste dans la course, de l'attitude des électeurs du PRD. Voyant en Fox le seul prétendant capable de mettre un terme au règne sans partage du PRI, certains pourraient abandonner leur allégeance traditionnelle à la gauche et se rallier à sa candidature.

Labastida incarne cependant un nouveau PRI - un parti toujours dominant mais qui ne monopolise plus le pouvoir au Mexique: onze Etats, qui abritent environ la moitié de la population (sur un total de 96 millions d'habitants), sont actuellement gouvernés par l'opposition, laquelle détient également la majorité au Congrès. Labastida se réclame du très populaire Luis Donaldo Colosio, réformiste flamboyant, candidat du PRI à la présidence en 1994, qui fut assassiné durant la campagne lors d'un meeting à Tijuana. Il incarne une synthèse singulière où se mêlent la tradition progressiste de ce parti et sa modernité libérale.

Charmeur, spontané, proche de Zedillo (qui bénéficie dans l'opinion d'une image de probité personnelle et d'efficacité gestionnaire), Labastida est, pour le PRI, le candidat de la dernière chance. Mais c'est un formidable candidat. S'il l'emporte en juillet, c'est qu'il aura su convaincre les électeurs mexicains que le vieux parti d'autrefois, dont la déroute fut longtemps rêvée comme le signal de l'avènement de la démocratie, n'existe plus. Dans un Mexique en pleine transformation, le PRI peut paradoxalement apparaître comme un facteur de changement.