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CHINE: LA GUERRE EN FACE

Les conquérants, observe Clausewitz, ne veulent jamais la guerre : ils préfèrent que leur adversaire se rende sans combattre.
«Si les autorités taiwanaises refusent de régler pacifiquement la question de la réunification [de la Chine], le gouvernement chinois sera contraint d'avoir recours aux mesures les plus draconiennes qui se puissent concevoir, y compris l'usage des armes», affirmait 21 février 2000 le Conseil d'Etat de la République populaire de Chine dans son Livre blanc. Pékin réitérait son constant refus de renoncer au « droit » d'utiliser la force pour reconquérir Taiwan et, pis encore, lançait à Taipei un ultimatum comminatoire.
A la veille de l'ouverture de la session annuelle de l'Assemblée populaire, le président Jiang Zemin renouvelait la mise en garde : « Nous ne resterons pas les bras croisés (...) Nous ne reculerons devant aucune mesure drastique envers Taiwan. » Le discours-programme prononcé devant l'Assemblée par le premier ministre « réformateur » Zhu Rongji aggrava la tension. S'adressant à la presse internationale, il menaça sans ambages les électeurs taiwanais : « Le peuple chinois est prêt à verser son sang et à sacrifier sa vie pour défendre la souveraineté et l'intégrité territoriale de la mère patrie. » Et le général Zhang Wannian, vice-président de la Commission militaire centrale - la plus haute instance du pays en matière de défense - d'ajouter : « L'indépendance de Taiwan, c'est la guerre ; le séparatisme, c'est l'assurance que la paix ne l'emportera pas. » Quant au Quotidien de l'armée de libération, il rapportait que les troupes chinoises avaient été placées en état d'alerte maximum « au cas où Taiwan déclarerait son indépendance ».
Les Etats-Unis étaient prévenus : s'ils volaient au secours de l'île nationaliste, ils « auraient à subir de sérieux dommages », ajoutait le quotidien militaire. La République populaire de Chine n'hésiterait pas à lancer une contre-attaque stratégique « à longue portée », c'est-à-dire à mettre à feu ses missiles intercontinentaux CSS-4. « Il n'est pas prudent d'être en guerre avec un pays comme la Chine, qui n'est ni l'Irak ni la Yougoslavie ; les décideurs américains le savent bien » , précisait-on en haut lieu. En tout cas, la presse chinoise leur promettait un retrait aussi humiliant qu'au Vietnam, mais cette fois-ci hors de l'Asie tout entière.
Or, au même moment, les trois candidats à la présidence de Taiwan multipliaient les propos accommodants : aucun d'entre eux n'a soulevé la question de l'indépendance durant la campagne. Et, toujours au même moment, la Chine continuait de négocier avec les Etats-Unis son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Rien, par conséquent, n'empêchait les autorités de Pékin de prendre au mot la volonté d'apaisement des Taiwanais. Elles auraient pu s'abstenir de menacer Taiwan d'une guerre et de provoquer ainsi une crise majeure. D'autant que, par le passé, le procédé n'avait pas fait ses preuves. En mars 1996, déjà, à l'occasion des premières élections présidentielles au suffrage universel de l'histoire chinoise, le chantage à la peur avait échoué : le tir de missiles …