Les Grands de ce monde s'expriment dans

CUBAINS, ENCORE UN EFFORT !

Federico Mayor - Avec la Chine, le Vietnam et la Corée du Nord, Cuba se considère comme le dernier rempart du socialisme. Mais, dix ans après la chute du mur de Berlin, le mot «socialisme» a-t-il encore un sens ?
Fidel Castro - Les théories sont indispensables, au même titre que les idéaux. En revanche, il faut se méfier des dogmes qui conduisent le plus souvent à des tragédies. Pour ce qui est du socialisme, il est difficile de donner une réponse globale. A Cuba, le peuple est uni et c'est le parti qui fixe les règles. D'autres pays des Caraïbes ont un système «parlementaire» qui fonctionne - surtout quand il ne s'agit pas d'un modèle «importé». Les Etats-Unis, eux, ont un régime présidentiel dont tout le monde vante le caractère démocratique. Mais peut-on parler de démocratie quand on voit le président Clinton, l'homme le plus puissant de la Terre, contraint de se plier aux conceptions arbitraires du sénateur Jessie Helms? Il faut faire attention aux catégories toutes faites. Même le socialisme le plus sincère et le plus rigoureux se dilue au contact des réalités, que ces réalités soient régionales ou nationales. Socialistes ou pas, il y a bien des pays où le gouvernement pourrait partir en vacances au grand complet sans que personne ne le remarque! Tu sais parfaitement que les dirigeants des Etats qui font partie d'ensembles plus ou moins intégrés ont une marge de manoeuvre très réduite ...
F.M. - Quarante et un ans après la révolution, et malgré toutes les difficultés auxquelles il a été confronté, le régime que vous avez mis en place tient bon. A quoi faut-il attribuer cette longévité?
F.C. - Le secret, c'est de travailler dur le jour et tard la nuit. Chez nous, les ministres ne roulent pas en grosses cylindrées dernier cri. Nous nous imposons une discipline. C'est elle qui nous permet d'accomplir tous ces petits «miracles» jour après jour. Sans cette armature morale, Cuba aurait sombré dans le règne de la domination, de l'aliénation et de l'exploitation. Et, au bout du compte, de la dépendance technologique et financière. Voilà quatre décennies que nous ne comptons que sur nous-mêmes. Entre 1994 et 1998, le peso cubain a été réévalué plus de trois fois - sans recours à l'emprunt! Nous avons toujours payé notre pétrole. Pendant cette même période, nous avons formé 30000 médecins - Cuba affiche la plus forte proportion au monde de médecins par habitant - , et des dizaines de milliers de professeurs. Comment avons-nous fait? C'est simple: nous n'avons jamais appartenu au FMI. Le FMI est l'«épine dorsale» de l'actuel ordre économique mondial. Or, depuis l'époque de Bretton Woods, au lieu de garantir une juste distribution des richesses et un équilibre harmonieux entre les nations, le FMI n'a cessé d'échafauder des constructions branlantes qui ne visaient qu'un unique objectif: défendre la valeur théorique du dollar. Quant aux «capitaux hirondelles», ils ont provoqué l'effondrement, du jour au lendemain, d'économies qui paraissaient pourtant solides. Ces apprentis-sorciers ont réalisé le …