En février dernier, le président Mugabe, au pouvoir depuis l'accession du Zimbabwe à l'indépendance en 1980, aurait dû se montrer plus attentif au rapport que lui remit la Commission constitutionnelle. Ses 400 membres s'étaient rendus dans les neuf provinces du pays et s'étaient entretenus avec des représentants de tous les secteurs de l'électorat. Ils étaient parvenus à une conclusion identique : les Zimbabwéens, dans leur grande majorité, rejetaient désormais la personne du président et souhaitaient que fût restauré le poste de premier ministre afin de cantonner le chef de l'Etat dans une fonction purement honorifique. En outre, ils prônaient la création d'une Chambre basse où auraient été représentés les intérêts régionaux et qui aurait remplacé le Parlement actuel, où le président, son cabinet et le Comité central du parti au pouvoir dictent leur loi. Cependant, désireux de renforcer encore son emprise, Robert Mugabe s'obstina. Au lieu de tenir compte des objections et de faire des concessions, il proposa aux électeurs une nouvelle Constitution qui devait remplacer le document élaboré lors des négociations de Lancaster House (1), à la veille des élections de 1980. Le nouveau texte donnait des pouvoirs accrus au président, désormais habilité à nommer lui-même son premier ministre.
Surtout, ce projet de Constitution annonçait la crise qui allait suivre : il appelait la Grande-Bretagne à allouer des fonds destinés à dédommager les fermiers blancs dont les terres allaient être saisies et redistribuées à des exploitants noirs. Ce point devait permettre au président, comme à l'accoutumée, de l'emporter dans les régions rurales où, depuis l'indépendance, son parti puise la majorité de ses partisans.
Un régime affaibli
Or, à la surprise générale, le référendum constitutionnel fut repoussé par 55 % des électeurs ! Non seulement les Zimbabwéens rejetaient l'idée d'un renforcement des pouvoirs présidentiels, mais ils sanctionnaient le chef de l'Etat pour des griefs plus anciens et plus profonds : son style de vie de plus en plus dispendieux (2), ainsi que plusieurs scandales liés à la corruption et à des détournements de fonds, tel celui des pensions destinées aux anciens combattants. Les Zimbabwéens liaient également la crise de leur économie, les pénuries de carburant et les hausses de prix à l'engagement militaire en République démocratique du Congo, très critiqué par la presse, et dont l'homme de la rue ne saisit guère les raisons.
Le rejet du référendum constitutionnel indique que Robert Mugabe vieillit mal, qu'il est de moins en moins en prise avec les réalités d'un pays où plus de la moitié de la population n'a pas vécu la lutte de libération et est étrangère à son idéologie. Les jeunes, qui ont bénéficié d'un système d'éducation meilleur que dans tous les pays voisins, exercent leur esprit critique et n'acceptent plus que le régime impute au seul colonialisme et à ses séquelles les difficultés que rencontre le pays. Les diatribes de Mugabe contre les homosexuels sont accueillies avec gêne. Chacun sait que, durant des années, le président a farouchement nié que son pays puisse être atteint par le virus du …
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