Les Grands de ce monde s'expriment dans

LA MARCHE SUR ROME

Silvio Berlusconi a reçu Politique Internationale dans sa belle villa d'Arcore, aux portes de Milan. Depuis six ans, ce milliardaire de 63 ans anime l'opposition. II a soudé autour de lui le «Pôle des libertés», composé de son propre parti, Forza Italia, de l'Alliance nationale de Gianfranco Fini et de petites formations centristes. En début d'année, il a conclu une alliance avec la Ligue du Nord dont le chef, Umberto Bossi, avait pourtant été responsable de la chute de son éphémère gouvernement en décembre 1994.

Coup sur coup, le Cavaliere (on le surnomme ainsi parce qu'il est Chevalier du Travail) a remporté trois succès électoraux. Aux européennes de juin 1999, Forza Italia a recueilli 25% des suffrages, devenant ainsi le premier parti du pays. Le 16 avril dernier, le centre droit s'est imposé aux régionales, conquérant neuf régions sur quinze et tout le nord de l'Italie. Enfin, sa consigne d'abstention a fait capoter le référendum électoral du 21 mai qui se proposait de supprimer le scrutin proportionnel: deux Italiens sur trois ont boudé les isoloirs. Silvio Berlusconi devrait, en principe, revenir au pouvoir à l'issue des prochaines législatives qui se dérouleront au printemps 2001 ... si le Parlement n'est pas dissous avant.

Richard Heuzé - Monsieur Berlusconi, pourriez-vous, en guise de préambule, nous dépeindre rapidement la situation de l'Italie après l'échec des référendums constitutionnels du 21 mai ?
Silvio Berlusconi - L'Italie se trouve dans une situation grotesque, difficile à expliquer à un étranger. La majorité parlementaire actuelle n'est pas celle qui a été élue en 1996. Si cette majorité est encore sur pied, c'est grâce à l'apport des voix de quelques dizaines de parlementaires élus il y a trois ans sur les listes du centre droit et qui ont changé de camp en échange de postes de ministres, de secrétaires d'Etat et de présidents de commission. Cette majorité ne correspond plus à la majorité réelle telle qu'elle ressort des trois dernières élections : les européennes de juin 1999 ; les régionales d'avril dernier qui ont donné neuf régions sur quinze au Pôle des libertés (1) ; et les référendums du 21 mai où les consignes d'abstention de Forza Italia ont été suivies par la plupart des électeurs. Deux sur trois, en effet, ne se sont pas rendus aux urnes.
R.H. - Quel jugement portez-vous sur le gouvernement formé le 26 avril dernier par le socialiste Giuliano Amato ?
S.B. - Son arrivée au palais Chigi (2) est un paradoxe de plus. Cette majorité qui n'a pas été voulue par les Italiens est allée chercher un président du Conseil qui n'a même pas été candidat aux dernières législatives. Du point de vue électoral, c'est un parfait inconnu.
R.H. - A l'époque, vous l'avez traité d'« idiot utile ». Le rediriez-vous aujourd'hui ?
S.B. - Entendons-nous bien. Je n'ai rien de personnel contre M. Amato. Cette expression, comme chacun sait, a été employée par Lénine pour définir la position de ceux qui, n'étant pas communistes, sont devenus des compagnons de route du parti, par vanité ou par intérêt. Je sais pertinemment que Giuliano Amato n'a jamais été un idiot, même s'il n'est pas toujours utile !
R.H. - A quel moment, avez-vous pris la décision d'appeler à l'abstention lors des référendums du 21 mai, faisant ainsi capoter la réforme du mode de scrutin ?
S.B. - Quand Giuliano Amato a été pressenti pour succéder à Massimo D'Alema. A ce moment-là, j'ai compris que la gauche ferait tout, une fois de plus, pour ne pas retourner aux urnes. Ce faisant, elle viole le premier article de la Constitution qui stipule que la souveraineté appartient au peuple. Notre système est la négation de la démocratie. On la respecte de manière formelle mais, en fait, nous vivons dans un régime de démocratie confisquée, sous administration judiciaire. Avec ces référendums, la gauche voulait prendre une revanche sur Silvio Berlusconi après la défaite retentissante qu'elle a subie aux élections régionales. C'est un échec sur toute la ligne.
R.H. - Pourquoi persistez-vous à parler de « communistes » pour désigner les Démocrates de Gauche (DS) qui ont abandonné depuis belle lurette toute référence à Lénine ?
S.B. - Qu'on le veuille ou non, ces gens-là sont des épigones du …