C'était le pire des scénarios que Damas pouvait imaginer et il a fini par se réaliser : les Israéliens se sont retirés unilatéralement du Sud-Liban. Jusqu'au bout, les Syriens auront refusé de croire à cette éventualité. Sur les causes de ce refus - aveuglement idéologique, incapacité à comprendre l'évolution de la scène régionale ou maladie du chef - les spéculations vont bon train. Ce qui est sûr, c'est qu'Hafez el-Assad n'a pas su prendre la mesure du péril qui le guettait, ni l'intégrer dans ses calculs. Lors de sa rencontre à Genève avec le président américain Bill Clinton (le 26 mars 2000), le raïs syrien semblait encore récuser l'idée même que le premier ministre israélien Ehud Barak pût tenir son engagement de quitter le Sud-Liban. Résultat : le retrait de Tsahal, achevé encore plus vite que prévu dès la fin du mois de mai 2000, a pris la Syrie totalement au dépourvu. Il n'est d'ailleurs pas exclu que ce repli, si contraire aux voeux des Syriens, ait contribué à abréger les jours du président Assad, décédé moins de trois semaines après.
Petit bout de territoire de 850 km2 occupé depuis 1982 par l'armée israélienne, qui l'utilisait comme zone-tampon, le Liban-Sud était, jusqu'alors, l'atout maître des Syriens. En effet, à travers la guérilla menée par le Hezbollah, Damas exerçait une pression constante sur l'Etat hébreu afin de l'amener à négocier la restitution du plateau du Golan. En mettant à exécution sa menace de se retirer du Liban, Ehud Barak a donc privé son adversaire de sa carte la plus forte.
Ce coup dur pour Damas est aussi une gifle cinglante assénée au gouvernement libanais qui ne l'avait pas prévue non plus. Pour le Liban - « théâtre de poche » où se joue depuis une trentaine d'années l'antagonisme syro-israélien -, les prochains mois sont lourds de menaces. Dès avril, dans une interview accordée au Wall Street Journal, Bachar el-Assad, le fils du président syrien - et son futur successeur - a exprimé sa préoccupation et évoqué, certes en termes très généraux, les risques qui pèsent sur la région en l'absence d'un traité négocié. Sans vouloir jouer les Cassandre et aller jusqu'à pronostiquer de nouvelles tragédies, il faut bien admettre que les risques de déstabilisation et d'affrontements, notamment interconfessionnels, sont tangibles.
L'embarras des Syriens
Dans un premier temps, face à l'éventualité d'un retrait israélien unilatéral du Sud-Liban, le régime alaouite avait cherché à discréditer le projet de retrait, en affirmant qu'il s'agissait d'un piège ou d'une simple manoeuvre de la part de Tel-Aviv. Les dirigeants syriens semblaient, d'ailleurs, de bonne foi. Lors de sa visite à Paris, le 24 avril, Farouk al-Charah, le ministre syrien des Affaires étrangères, avait lui-même plaidé cette thèse devant les responsables français. A Damas, on était persuadé que l'objectif poursuivi par Israël était de créer un climat politique international propice à une agression contre la Syrie. Selon une source libanaise en contact avec son entourage, Farouk al-Charah a même confié au député arabe israélien Ezmi Bechara : …
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