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OTAN : LES LECONS DU KOSOVO

Brigitte Adès - Monsieur le Secrétaire général, vous avez déclaré récemment que « plus d'Europe » ne signifiait pas forcément « moins d'Amérique ». Etes-vous de ceux qui pensent qu'une défense européenne n'est concevable qu'au sein de l'Otan ?
George Robertson - J'estime, en effet, qu'un projet de défense européenne n'est pas viable en dehors de l'Otan. Et je suis loin d'être le seul à penser ainsi. En réalité, tout le monde est d'accord sur ce point, même les intégrationnistes européens les plus ardents ne disent pas le contraire. L'Otan reste la pierre angulaire de la sécurité européenne. Depuis un demi-siècle, à travers le traité de Washington, la sécurité du Vieux Continent repose sur la relation transatlantique : c'est un fait objectif que nul ne conteste. Personne ne soutient sérieusement l'idée que l'Otan devrait être remplacée ou dupliquée. Au fond, ce qui est au coeur du débat actuel, c'est la nécessité de rééquilibrer l'Alliance. L'expérience du Kosovo a montré clairement que les Quinze n'avaient pas la capacité d'agir seuls dans l'hypothèse où l'Otan refuserait de s'engager dans un conflit qui menacerait la sécurité européenne. Cette énième crise balkanique aura servi de révélateur, de signal d'alarme.
B.A. - Comment expliquer le réveil des Européens ?
G.R. - Le projet de défense européenne ébauché par l'Union européenne à Helsinki en décembre 1999 est une réponse aux lacunes mises en évidence par le conflit du Kosovo. Je vous rappelle que les Américains ont dû fournir 80 % des avions et 90 % des équipements et des armements spéciaux utilisés au cours de cette opération. Même si les Européens ont constitué le plus gros des troupes mobilisées, ils n'étaient pas plus de 20 % parmi les forces effectivement engagées dans les opérations d'attaque aériennes. N'est-ce pas là un dramatique aveu de faiblesse ? Les Européens doivent impérativement se donner la capacité de conduire de telles opérations par eux-mêmes lorsque l'Alliance, en tant que telle, n'est pas impliquée. Cette idée est en train de faire son chemin et c'est, à mon sens, une très bonne nouvelle, aussi bien pour l'Alliance que pour l'Europe.
B.A. - Croyez-vous vraiment que la défense européenne sera un jour en mesure d'assurer la sécurité du Vieux Continent sans le concours des Etats-Unis ?
G.R. - Pour moi, la sécurité européenne et la sécurité transatlantique sont indivisibles : ce sont les deux faces d'une même médaille. Mais, encore une fois, il faudra bien que les Européens acquièrent aussi la capacité d'agir seuls. Je trouve à la fois insupportable et grotesque que les contribuables de l'Union européenne dépensent, au total, les deux tiers de ce que dépensent pour l'armée leurs homologues d'outre-Atlantique pour n'avoir, à l'arrivée, que 10 % du potentiel américain. Il est temps de faire cesser cette incongruité et je ne vois pas de meilleur moyen d'y mettre fin que de renforcer le poids de l'Europe au sein de l'Alliance.
B.A. - La France refuse de laisser les officiers de l'Otan assister aux réunions purement européennes. N'est-ce pas le signe …