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REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : LA SOLITUDE ET LE CHAOS

Réélu en septembre 1999, le chef de l'Etat a vu partir, cinq mois plus tard, les 313 derniers soldats de la paix sans certitude aucune que son second mandat ne serait pas brutalement interrompu. Car, malgré le gage de sécurité que devait être le contingent de l'ONU, les Forces armées centrafricaines (FACA) n'avaient pas été restructurées de façon à mettre fin à leur polarisation ethnique - une polarisation qui était à l'origine des heurts répétés entre la troupe, d'un côté, et la Garde présidentielle, de l'autre. Par ailleurs, la crise financière de l'Etat et la situation sociale du pays n'ont pas cessé de s'aggraver.
Si le bilan de la «pacification» onusienne est pour le moins mitigé, se réduisant de fait à un coûteux maintien du statu quo, la Minurca a en revanche couronné la plus belle réussite de la «nouvelle politique africaine» de la France. Grâce à la force d'interposition, l'ex-puissance tutélaire a en effet fermé ses bases militaires en Centrafrique et s'en est retirée en 1998, dès l'arrivée de l'ONU, s'affranchissant du même coup de toute responsabilité historique. Les casques bleus ayant provisoirement comblé le vide, le désastre programmé dans l'ex-empire de Jean-Bedel Bokassa n'implique plus Paris ...
Il faut prendre toute la mesure de ce succès. La France a réussi en Centrafrique ce qu'elle avait si tragiquement manqué d'accomplir en 1993-1994 au Rwanda: le passage de témoin à la communauté internationale dans un pays de son «champ» en proie à une crise existentielle. Certes, en décembre 1993, les derniers soldats français avaient quitté le Rwanda, relayés par un contingent de casques bleus des Nations unies. Mais une vingtaine de coopérants militaires y étaient restés, et le soutien apporté par Paris au régime du général-président Juvénal Habyarimana devait être perçu comme jusqu'au-boutiste, voire complice d'un génocide que les «soldats de la paix» de l'ONU n'ont pas pu empêcher, quatre mois après le désengagement partiel de la France. Si, malgré les mutineries en série de son armée et la «tribalisation» de sa vie politique, la Centrafrique n'est pas condamnée à devenir une terre de massacres, elle vit néanmoins dans un climat de guerre civile larvée. Aggravé par l'anomie de l'Etat, le pillage de l'économie nationale et des conflits armés à ses frontières avec le Soudan, l'ex-Zaïre et le Congo-Brazzaville, ce climat augure mal de son avenir. Pour la France, il était donc urgent de partir, sans fil à la patte.
Contrairement au Rwanda, une ancienne colonie d'abord allemande puis belge que la France n'avait intégrée dans son «pré carré» élargi à la francophonie qu'au milieu des années 70, à la faveur d'un lévirat tutélaire alors opéré au détriment de Bruxelles, la Centrafrique a été pendant très longtemps au coeur de la zone d'influence française sur le continent noir. L'ancien Oubangui-Chari, conquis pour réussir la jonction de l'Empire français à travers toute l'Afrique, de l'Atlantique jusqu'aux sources du Nil, a été, malgré l'échec de cette tentative symbolisé par «l'humiliation» de Fachoda, une pièce maîtresse de la présence française.
Avant et après …