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VIVE LE LIBAN LIBRE !

Jean-Pierre Perrin et Chantal Rayes - La communauté internationale a été frappée par la véhémence avec laquelle la classe politique libanaise, dans son ensemble, a dénoncé le retrait israélien du Liban sud. Il ne s'agissait pourtant que d'appliquer la résolution 425, adoptée le 19 mars 1978 par le Conseil de sécurité de l'Onu. Comment expliquez-vous cette attitude ?
Ghassan Tuéni - Le Liban s'est battu pendant 22 ans pour obtenir l'application de cette résolution. Les dirigeants israéliens ont décidé de mettre fin à leur présence militaire au Liban sud parce qu'ils ont compris qu'ils ne pourraient pas conserver ce territoire et que le coût de cette occupation leur paraissait trop lourd. Jusqu'alors, il existait une alliance objective entre Syriens et Israéliens, chacun trouvant son intérêt dans le statu quo. C'est ce que l'on a appelé l'« open game strategy ». Chaque camp indiquait à l'autre, par tout un jeu de symboles et de signes, ce qu'il voulait, ce qu'il tolérait et quelles étaient les limites à ne pas franchir sous peine de déclencher une réaction violente de la part de l'adversaire. Rappelez-vous l'entrée des troupes syriennes au Liban en 1976 : cette opération avait reçu l'assentiment tacite d'Israël. Henry Kissinger raconte dans ses Mémoires comment Israël avait alors clairement fait savoir à la Syrie, par l'intermédiaire de l'ambassadeur américain à Damas, où se situait la ligne rouge que les troupes syriennes ne devaient pas dépasser.
J.-P.P. et C.R. - Vous étiez l'ambassadeur du Liban à l'Onu lors du vote des résolutions 425, qui exige le retrait immédiat et inconditionnel de l'armée israélienne du Liban sud, et 426, qui en fixe les modalités d'application. Pourquoi, selon vous, ces deux résolutions ne se sont-elles pas heurtées au veto américain ?
G.T. - La 425 a été votée au paroxysme de la crise, pendant la première invasion du Liban, en 1978. Pour la première fois, la communauté internationale, profitant d'une accalmie dans les relations américano-soviétiques, a affirmé unanimement l'existence du Liban en tant qu'Etat indépendant et souverain. L'intégrité territoriale du pays était solennellement reconnue, non seulement vis-à-vis d'Israël mais aussi de tous les Etats de la région. Certes, l'envahisseur n'a pas été formellement condamné, comme le demandaient nos frères arabes, mais la formulation volontairement imprécise du texte a permis d'échapper au veto américain tout en sommant les Israéliens de se retirer immédiatement. Il s'agissait donc bel et bien d'une nouvelle affirmation, par la communauté internationale, de l'indépendance libanaise et du droit du Liban à exercer sa souveraineté. Comme il fallait s'y attendre, cette résolution fut torpillée par les Israéliens qui ont fait croire, en juin 1978, que leur armée s'était retirée alors qu'ils avaient livré la bande frontalière à leurs forces supplétives. Elle avait pour particularité d'être la seule résolution relative à l'occupation par Israël d'un territoire arabe qui exigeait une évacuation sans contrepartie. Elle n'implique en aucun cas une paix séparée avec Israël. Afin d'éviter toute ambiguïté sur ce point, nous avons inséré dans la résolution 426 une disposition aux termes de …