L'élection à la présidence de Taiwan du candidat indépendantiste Chen Shui-bian, dans un climat de fortes tensions orchestré par Pékin, a mis en lumière le danger d'un conflit majeur en Asie de l'Est. Le spectre d'une confrontation nucléaire entre la Chine et les Etats-Unis est également venu rappeler que, contrairement à l'Europe où, dix ans après la chute du Mur, la guerre est désormais impensable, l'Asie est devenue un foyer de conflits potentiels dont trois, au moins, pourraient dégénérer en conflagration nucléaire: à la frontière indo-pakistanaise; dans la péninsule coréenne; et à travers le détroit de Formose.
Face à la montée des menaces chinoises, Taiwan est devenu l'an dernier le principal abcès de fixation de la région. Il est vrai que, dans le même temps, la tension entre les deux Corées est - au moins temporairement - retombée, comme l'a confirmé l'annonce de l'ouverture de pourparlers entre Séoul et Pyongyang. La diplomatie (et le versement, depuis 1995, de plus d'un milliard de dollars d'aide, notamment en nourriture et en carburant) a contribué à apaiser les esprits, empêchant le régime nord-coréen à la fois de s'effondrer et d'exploser. Mais tout risque de dérapage n'a pas disparu pour autant: un conflit impliquant l'usage d'armes de destruction massive reste possible en Asie orientale. Une éventuelle détérioration de la situation en Corée - qu'on assiste à la débâcle du Nord ou au déclenchement d'hostilités ouvertes de part et d'autre du 38e parallèle - , ou un embrasement du détroit de Formose, aboutiraient à redéfinir le rôle de chacune des grandes puissances asiatiques (Etats-Unis, Chine et Japon) et à redistribuer les cartes dans la zone Asie-Pacifique. Devoir choisir entre Washington et Pékin: telle est la hantise des Etats de la région.
Taiwan comme métaphore
Il est tentant de voir dans la question de Taiwan la simple résurgence d'une ancienne guerre civile qui aurait été gelée par la confrontation Est-Ouest: un problème de nation divisée, en fin de compte. Mais Taiwan est aussi à maints égards une métaphore des dilemmes contemporains. L'essor des échanges commerciaux entre les deux rives du détroit et l'accroissement des investissements taiwanais sur le continent cristallisent la tension entre la mondialisation et le nationalisme; ils favorisent aussi l'éclosion d'une identité proprement taiwanaise. A travers la rivalité Pékin-Taipei la Chine accède, pour la première fois dans l'histoire moderne, au statut de grande puissance. Cette ferveur irrédentiste traduit la volonté de l'Empire du milieu de corriger l'injustice historique que lui infligèrent au siècle dernier les impérialismes occidentaux et japonais. De ce point de vue, la question de Taiwan contribue à obscurcir le jugement que l'on peut porter sur cette Chine émergente, qui apparaît tantôt comme une puissance attachée au statu quo, tantôt comme un Etat révisionniste. Mais, dans le même temps, Taiwan est le symbole harmonieux de la première alternance démocratique et pacifique qu'ait connue le monde chinois depuis 5000 ans.
Plus inquiétant peut-être, Taiwan pourrait être le point de friction entre les valeurs et les intérêts américains et chinois. Depuis l'établissement de relations …
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