Après un mauvais départ en 1998-1999, la fortune sourit enfin au chancelier Gerhard Schröder. Oskar Lafontaine, son rival à la tête du Parti social-démocrate (SPD) et au gouvernement, où il détenait le portefeuille des Finances, a démissionné avec fracas en mars 1999, lui laissant le champ libre. On a tiré un trait sur le chaos des premiers mois de gouvernement, sur l'admiration outrancière du chancelier pour le «modèle hollandais» et sur les démêlés du ministre de l'Environnement, Jürgen Trittin - surnommé par les milieux parisiens le «Khmer vert» - avec la France et la Grande-Bretagne, à propos du traitement des déchets nucléaires allemands.
Gerhard Schröder, dont la survie politique semblait compromise en octobre 1999, fait désormais figure de grand gourou de la politique européenne. Habilement orchestrée par des médias majoritairement à gauche, l'affaire des caisses noires du parti chrétien-démocrate (CDU), qui remonte à l'époque où Helmut Kohl le présidait, l'a aidé à remonter en selle. Il cherche désormais à jouer un rôle mondial, à la mesure de son pays et de l'Europe.
En recevant sans amabilité excessive Bill Clinton, qu'il louait encore il y a deux ans, et en accueillant peu après, en ami, Vladimir Poutine, le chancelier allemand a démontré sa capacité à virer radicalement de bord dès lors que l'occasion s'en présente. Les Américains, en effet, avaient refusé le premier candidat allemand à la présidence du FMI, avant de se résoudre à accepter la nomination de Horst Köhler (ancien sherpa d'Helmut Kohl). Monsieur Schröder leur rend la monnaie de leur pièce. En recevant le premier ministre chinois Zhu Rongji, puis le président iranien Mohammed Khatami, il a pris du recul par rapport à la politique de son ministre vert des Affaires étrangères, Joschka Fischer, plus axée sur la défense des droits de l'homme. La Tchétchénie ne figure pas en tête de ses préoccupations. A l'évidence, Gerhard Schröder est un pragmatique. C'est l'homme de la Realpolitik.
En 1999-2000, il a fait adopter, au pas de charge, par le Parlement allemand des réformes majeures - fiscalité, code de la nationalité - tout en préparant le terrain pour d'autres chantiers que le gouvernement Kohl n'avait pu ouvrir. C'est à sa ténacité et à son habileté manœuvrière que le chancelier doit d'avoir imposé aux milieux industriels la fin programmée du nucléaire civil (1). Dans l'espoir de le rendre définitif, il s'apprête à donner force de loi à ce compromis que l'opposition, pour sa part, s'est juré de dénoncer si elle revient au pouvoir.
En outre, le chancelier a réglé le dossier de l'indemnisation des travailleurs forcés du IIIe Reich en confiant ce dossier à un ancien ministre du Parti libéral (FDP), et il a chargé une commission présidée par une chrétienne-démocrate de préparer une loi sur l'immigration. Jouant sur la flatterie et sur l'octroi de «cadeaux» à leurs fiefs électoraux, il «soudoie» des représentants éminents de l'opposition et parvient à semer la zizanie dans les rangs de la CDU/CSU. Il met ainsi en difficulté ses adversaires les plus dangereux, Angela Merkel, la nouvelle présidente de la CDU, et Friedrich Merz, chef du groupe parlementaire chrétien-démocrate. Tous deux ont subi une cuisante défaite lorsqu'ils n'ont pu bloquer, comme ils l'escomptaient, le vote de la réforme fiscale au Bundesrat (2).
Ecrasé à plusieurs reprises par la CDU lors des scrutins régionaux de l'an dernier, le SPD s'est rétabli, cette année, aux régionales du Schleswig-Holstein et de Rhénanie-Westphalie. Encore mal remise du scandale des caisses noires, l'opposition chrétienne-démocrate admet à présent ses défaites. Il ne manquerait plus que Schröder parvienne à faire passer une réforme des retraites inspirée des idées de l'opposition. Le chômage recule, la croissance revient. Gerhard Schröder reçoit à Berlin de nombreux chefs d'Etat. Il lance des initiatives européennes. Au milieu de sa législature, il semble bien parti pour un deuxième mandat.
Dans l'interview qu'il a accordée à Politique Internationale, le chancelier nous assure que son gouvernement de coalition avec les Verts est solide et ignore délibérément les appels du pied que lui prodigue le petit parti libéral, jadis coalisé avec la CDU de Kohl. Reste que des contacts discrets ont été pris avec le FDP, et que le chancelier, on le verra, critique l'une des initiatives européennes de son ministre des Affaires étrangères. Enfin, Monsieur Schröder reçoit, à la chancellerie, les communistes du PDS, tenus jusqu'ici en quarantaine. Une chose est sûre en tout cas: s'il annonçait, à l'approche des législatives de septembre 2002, son intention de se coaliser avec le FDP, il remporterait la victoire. Ni Mme Merkel (CDU), ni Edmund Stoiber (CSU), n'ont de tels atouts dans leur manche.
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