Il était inévitable que l'élection présidentielle américaine fût l'un des temps forts de ce Numéro d'automne. Ne serait-ce que parce qu'il existe, entre les deux rives de l'Atlantique, une réelle unité de destin.
Nous avons, dans une précédente livraison, donné la parole à George W. Bush et à Al Gore. C'est leurs colistiers - Dick Cheney et Joseph Lieberman - que notre Rédaction a souhaité, cette fois, solliciter. Nos lecteurs apprécieront, je pense, la franchise avec laquelle l'un et l'autre s'expriment dans ces pages. Deux points de vue que complètent, comme à l'accoutumée, les analyses des meilleurs experts (Richard Haass, Michael Ledeen, Richard Perle et Norman Podhoretz).
La politique extérieure de Washington variera-t-elle substantiellement selon que le vainqueur sera républicain ou démocrate ? La redistribution de l'énorme surplus budgétaire américain fera-t-elle l'objet d'applications fondamentalement différentes selon que le bureau ovale de la Maison-Blanche sera occupé par le " conservateur au grand cœur " ou par le "nouveau démocrate" ?
C'est à ces questions - et à bien d'autres - que notre "Dossier Etats-Unis" apporte des réponses éclairantes.
On le sait : parmi les alliés de Washington, Paris et Berlin occupent une place éminente que justifie, entre autres raisons, leur rôle de " locomotive " de la construction européenne. Comment la France (qui préside actuellement l'Union européenne) et l'Allemagne (qui célèbre le 10e anniversaire de sa réunification) voient-elles leurs relations futures avec le géant nord-américain ? Quels sont - s'il doit y en avoir - les malaises transatlantiques que devra gérer avec souplesse le successeur de Bill Clinton ?
Hubert Védrine et Gerhard Schröder nous livrent leur point de vue. Sans détour.
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La chute, si longtemps espérée, de Slobodan Milosevic laisse en suspens de nombreuses interrogations. Celles-ci, notamment : la victoire de Vojislav Kostunica amorce-t-elle la guérison définitive de l'" homme malade " du Vieux Continent (la Serbie) ? Cette alternance accouchera-t-elle d'une véritable réconciliation en Europe centrale et dans les Balkans ? Pour décrypter ces mystères, deux témoignages incontestables : ceux du jeune Premier ministre de Hongrie, Viktor Orban, et du nouveau Président de la Croatie, Stipe Mesic.
Ce qui est sûr, en tout cas - comme nous l'explique Olivier de Laroussilhe -, c'est que la transition vers l'état de droit et l'économie de marché n'est, dans l'ancien empire communiste, ni rectiligne ni homogène. En Europe orientale par exemple, et tout spécialement en Ukraine, cette transition se révèle beaucoup plus difficile qu'en Europe centrale. Et cela, bien que le chef du gouvernement ukrainien, Viktor Iouchtchenko, qui expose ici ses difficultés et ses espérances, soit un réformiste libéral, jeune et dynamique.
Reste la Russie, entraînée dans une spirale de dépeuplement, rongée par la corruption, soumise aux pressions des " oligarques " et de leurs réseaux interlopes. Vladimir Poutine saura-t-il dénouer un écheveau aussi complexe ? Saura-t-il redonner son rang à ce grand pays tout en respectant les libertés ?
Sophie Shihab et Jean-Claude Chesnais étanchent, sur ce point, notre curiosité.
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Ce tour du monde de l'actualité n'eût point été complet sans une double halte au coeur du monde arabe, au Maghreb et au Moyen-Orient.
- En Tunisie, où le régime du Président Ben Ali a mis en place un système autoritaire que les réussites économiques ne suffisent plus à occulter ;
- au Maroc, où le jeune Mohammed VI tarde à aller au-delà des gestes d'ouverture qui ont marqué, dans l'euphorie générale, le début de son règne ;
- en Libye, où le colonel Kadhafi, mis en confiance par ses récents succès diplomatiques, forge sa nouvelle image d'homme d'état responsable et se voit déjà en leader naturel des " Etats-Unis d'Afrique " ;
- en Egypte, enfin, où le Président Moubarak tient toujours d'une main d'acier les leviers du pouvoir, mais sans renoncer pour autant à ses responsabilités régionales - en particulier celles qui concernent les heurs et malheurs du processus de paix israélo-palestinien ...
Sur tous ces " points chauds " , on lira avec intérêt les analyses de Christophe Ayad, Guilain Denoeux, José Garçon, Luis Martinez, ainsi que les commentaires du Président Ben Ali lui-même.
" La pire des démocraties est infiniment préférable à la meilleure des dictatures. " On voudra bien convenir que ce dicton nous a, cette fois encore, servi de référence pour sonder l'obscurité ...
A toutes et à tous : bonne lecture.