Depuis la nomination de Viktor Iouchtchenko à la tête du gouvernement (1), en décembre 1999, l'Ukraine connaît une accélération des réformes structurelles. Ces dernières, en effet, furent longtemps bloquées par le Parlement, contrôlé par les communistes et leurs alliés, ainsi que par l'élite économique, largement issue de l'ancienne nomenklatura communiste et, notamment, des Jeunesses communistes (le Komsomol). Si bien que, depuis 1991, l'Ukraine semblait vouée à la stagnation: chute continue du PIB; profonde crise démographique (la population ukrainienne est passée de 52 millions d'habitants en 1990 à moins de 50 millions aujourd'hui); accumulation des arriérés de paiements et de salaires.
La nomination de M. Iouchtchenko - qui était gouverneur de la Banque centrale depuis 1993 et représentant de l'Ukraine au FMI - fut suivie, un mois après, d'une «révolution pacifique» au Parlement. Les députés du centre et de droite y ont formé une majorité stable de 280 députés (sur un total de 450) (2) et ont pris la présidence de presque toutes les commissions. Dès janvier 2000, le pays entrait dans une phase de croissance économique (5,3% sur les huit premiers mois de l'année) - ce qui a permis de payer les arriérés de retraites ainsi qu'une grande partie des arriérés de salaires. Pour la première fois depuis l'indépendance (1991), l'Ukraine affiche aujourd'hui un budget non déficitaire. Le Parlement a enfin adopté un code foncier qui autorise la privatisation des terres, tandis qu'un nouveau code fiscal supprime 259 privilèges accordés, les années précédentes, à différents lobbies (3).
Viktor Iouchtchenko incarne, à l'évidence, un nouveau type de dirigeants. Né en 1954, ce villageois issu d'une famille d'instituteurs devint docteur en sciences économiques avant de faire carrière dans le secteur bancaire dès l'époque soviétique. En qualité de gouverneur de la Banque centrale, il a joué un rôle décisif dans la création du système monétaire et financier ukrainien (introduction de la monnaie nationale, la hrivna; assainissement du secteur bancaire ... ). C'est, en tout cas, grâce à ses efforts personnels que l'Ukraine a su éviter les conséquences néfastes de la crise russe d'août 1998, consécutive à la brutale dévaluation du rouble. A la tête du gouvernement, comme le reconnaissent ses adversaires eux-mêmes, M. Iouchtchenko a non seulement réussi à engager des réformes, mais il a entrepris de nettoyer les écuries d'Augias. Auparavant, le pouvoir accordait généreusement exemptions fiscales et effacements de dettes aux grandes entreprises, voire aux branches industrielles qui exerçaient de fortes pressions. Désormais, des règles du jeu et des procédures juridiques égales pour tous se mettent en place. Les «lobbyistes» l'ont bien compris, qui ne se bousculent plus guère dans l'antichambre du premier ministre. Naturellement, cette fermeté vaut au gouvernement de nombreux ennemis, et une certaine hostilité des médias contrôlés par les oligarques. Mais, pour l'instant, le soutien du président, de la majorité parlementaire et des institutions internationales (FMI ... ) lui assure la marge de manoeuvre considérable qui lui est nécessaire afin de stabiliser et de moderniser l'économie ukrainienne.
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