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ENVIRONNEMENT: LE MODELE ALLEMAND

Ministre de l'Environnement, de la Protection de la nature et de la Sécurité des réacteurs du gouvernement Schröder depuis octobre 1998, Jürgen Trittin, né à Brême en 1954, est un authentique Allemand du Nord. écologiste moustachu au discours persuasif, il était devenu la cible des politiciens français lorsque, au début de 1999, il annonça l'abandon immédiat de l'énergie nucléaire en Allemagne et la résiliation des contrats de retraitement des déchets nucléaires allemands dans les usines française de La Hague et britannique de Sellafield. Le tout-Paris ne l'appelait plus que le «Khmer vert».

Mais après avoir terminé sa période de noviciat gouvernemental et rempli ses obligations idéologiques envers ses supporters, l'ailier gauche du gouvernement allemand pratique désormais l'art du compromis. Les remontrances de Gerhard Schröder - «Il faudrait moins de Trittin et plus de Fischer» - ont sans doute contribué à tempérer son attitude. On l'a même vu se faire huer par les Verts quand il a plaidé, en 2000, pour le retour en Allemagne des déchets retraités à La Hague. L'ancien militant du groupe communiste révolutionnaire KPD a visiblement compris qu'on ne peut transformer la société capitaliste en l'attaquant de front. Si, le 15 juin 2000, il a finalement obtenu des industriels l'abandon du nucléaire, il a dû accepter un délai d'une vingtaine d'années jusqu'à l'extinction de la dernière centrale.

Sa carrière politique a commencé dans la ville universitaire de Göttingen où il devient, en 1982, secrétaire général du groupe municipal de la liste Verte alternative (AGIL). Dès 1984, il est promu porte-parole du groupe Vert au parlement régional du Land de Basse-Saxe. En 1985, il est élu député sur la liste Verte au même parlement et conservera son siège jusqu'en 1990, tout en assumant jusqu'en 1986, puis entre 1988 et 1990, la présidence des Verts de ce Land du Nord.

En 1990, dans le gouvernement régional bas-saxon de Gerhard Schröder, Trittin accède pour la première fois aux responsabilités en tant que ministre pour les Affaires fédérales. En 1994, il est réélu député de Basse-Saxe et devient porte-parole fédéral, c'est-à-dire président fédéral des Verts allemands. II le restera pendant quatre ans (jusqu'à son élection au Bundestag, en 1998, dans la vague qui a porté Schröder au pouvoir).

Jean-Paul Picaper - Monsieur le Ministre, comment analysez-vous l'échec de la Conférence internationale sur le climat et l'effet de serre qui s'est déroulée cet automne à La Haye ?
Jürgen Trittin - La Haye a été un grave revers pour la protection du climat. Un accord était pourtant à portée de la main. La conférence a capoté pratiquement à la dernière minute en raison de l'attitude d'une poignée de pays industrialisés qui refusent de considérer cette question comme une véritable priorité. Certains se sont même lancés dans une surenchère en tentant de comptabiliser les forêts naturelles au titre des « puits de carbone » (1) créés par l'homme — et cela, au lieu de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ! Ces blocages sont d'autant plus regrettables que le groupe des pays européens avait accepté des compromis substantiels. Il va s'agir maintenant d'aplanir ces différends dans l'optique de la conférence de 2001.
J.-P. P. - Avez-vous bon espoir d'aboutir, un jour, à un accord ?
J. T. - Malgré des divergences d'intérêts manifestes, je constate une convergence d'objectifs. L'un de ces objectifs consiste à permettre l'application, en 2002, du protocole de Kyoto de décembre 1997 sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il doit être ratifié par 55 États signataires de manière à couvrir plus de 55 % des rejets des pays industrialisés. Les Européens sont très en pointe sur ce sujet et sont prêts à aider tous ceux qui partagent leurs ambitions. Parmi ceux-ci, les grands pays en voie de développement — Inde, Chine, Brésil, Afrique du Sud — ont intérêt à ce que les mesures entrent rapidement en vigueur. Bien qu'ils n'aient pas de pétrodollars, ce n'est pas l'argent qui les motive, mais certaines innovations technologiques comme la production d'électricité hors réseau. C'est important pour eux parce que, souvent, ils ne disposent pas de lignes électriques et ils connaissent un exode rural massif. Ils veulent également rentabiliser leurs centrales thermiques en produisant deux fois plus de courant par tonne de houille.
J.-P. P. - Sont-ils les seuls à être intéressés ?
J. T. - Non. Il y a aussi les pays sous-développés — qui ont besoin d'argent — et les petits États insulaires — qui sont décidés à ratifier le protocole parce que l'eau leur monte jusqu'au cou et que l'aide internationale leur permettrait de construire des digues. Je pense donc qu'il sera possible de conclure un bon compromis entre eux et nous ainsi qu'avec certains pays du « groupe des parapluies » (2) dont la position tend à s'assouplir. Quant au Japon, il souhaite que le protocole — signé à Kyoto, ne l'oublions pas — entre en vigueur dans les délais prévus. L'industrie japonaise a compris que la défense de l'environnement était un thème porteur sur le marché. La Nouvelle-Zélande évolue, elle aussi, dans un sens positif tout comme la Norvège.
J.-P. P. - Comment convaincre les États-Unis, responsables de 25 % des émissions ?
J. T. - Il y …