«Considérez ce que l'année écoulée nous a apporté», rappelait récemment John Hume, le prix Nobel de la Paix: «une Assemblée et un exécutif dans lesquels des représentants des deux communautés travaillent de concert au service de la population nord-irlandaise tout entière, prenant les décisions ardues qui s'imposent et préparant l'avenir dans des domaines allant de l'agriculture à l'éducation, en passant par l'environnement et l'adoption de politiques destinées à favoriser l'investissement. Un Forum civique qui permet à la société civile d'informer et d'alimenter le débat politique. Un Conseil ministériel Nord-Sud qui s'est réuni à plusieurs reprises en séance plénière et en formation restreinte, contribuant à lier en faisceau les énergies et les talents combinés des deux parties de l'Irlande, directement ou par l'intermédiaire des organes d'application qui lui sont rattachés. Un Conseil irlando-britannique qui aménage un nouveau cadre pour les relations entre les deux îles de l'archipel. Tout au long de ces trente dernières années, la plupart des gens auraient considéré cela comme un rêve impossible, une vue de l'esprit totalement chimérique et irréalisable».
La mise en place des institutions est allée de pair avec l'adoption progressive de tout un train de mesures qui ont contribué à renforcer le climat de normalisation. Ainsi le dispositif militaire britannique a-t-il été allégé. Bénéficiant de remises de peines conditionnelles, la quasi-totalité des détenus affiliés aux organisations paramilitaires républicaines et loyalistes ayant décrété un cessez-le-feu ont été remis en liberté. Des programmes d'aide à la réinsertion leur ont permis de retrouver, tant bien que mal, une place dans leurs communautés respectives. Plusieurs centaines de gardiens de prison ont été mis à pied. En outre, le pénitencier de Maze, dont les blocs H aujourd'hui désertés furent tristement célèbres lors de l'agitation carcérale et des grandes grèves de la faim de 1981, a été fermé. Il est même question d'en faire un musée!
La violence délégitimée
A ces principes, comme à ces institutions et à ces mesures d'accompagnement, il fallait une légitimité qui fût incontestable. Le 22 mai 1998, l'Accord du Vendredi Saint fut soumis à référendum de part et d'autre de la frontière inter-irlandaise. Ses dispositions furent approuvées par 71,10% des électeurs nord-irlandais et 94,40% des citoyens de la République d'Irlande. On le constate: ce n'est pas une différence de degré, mais véritablement une différence de nature qui distingue l'Accord des précédentes initiatives avortées de ces trente dernières années. Autre conséquence, et non des moindres, de ce double référendum: l'expression de la volonté populaire a délégitimé la violence, si tant est que celle-ci ait jamais eu la moindre légitimité dans le passé. S'en prenant à la poignée de soldats perdus qui s'obstinent, contre toute raison, à vouloir poursuivre une «lutte armée» devenue sans objet, John Hume a eu beau jeu de souligner leur inconséquence dans son discours de novembre: «Ceux qui se sont auto-désignés sous le nom de “Real IRA” sont les ennemis du peuple irlandais. Il convient de leur rappeler avec insistance que, pour la première fois depuis 1918, les Irlandais, tous les Irlandais, du …
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