Élisabeth Schemla - L'Intifada El Aqsa a mis en lumière un fait politique radicalement nouveau en Israël : l'irruption, en tant que force contestataire, d'un million d'Arabes israéliens, soit 20 % de la population. Comment en est-on arrivé là ?
Mohammed Barakei - C'est la police qui a tout déclenché, début octobre, en tirant délibérément et à bout portant sur des citoyens arabes israéliens. Nous avons déploré treize morts, sans compter de nombreux blessés. Pour nous, cela a été un choc terrible. Car il ne s'agit pas d'une « tragique erreur » des forces de l'ordre. Le gouvernement a décidé de ne pas être loyal avec nous. Par solidarité avec le peuple palestinien, nous avions appelé le 6 octobre à une grève générale et invité nos partisans à descendre dans la rue pour exprimer leur colère. Si les autorités avaient laissé faire sans intervenir pendant quelques jours, tout se serait très vite calmé parce qu'aucun des nôtres n'aurait été tué. Mais, évidemment, à partir du moment où ils en ont abattu ne serait-ce qu'un, les choses ont dégénéré. Or, après le premier mort, qu'ont fait le ministre de la Sécurité publique Shlomo Ben Ami et le premier ministre Ehoud Barak ? Alors qu'ils pouvaient tout arrêter, ils ont donné leur feu vert pour que la répression continue ! Trois jours après le début de ces événements, j'ai rencontré Ben Ami. Il voulait que je l'aide à lever les barrages qui avaient été dressés par nos jeunes et qui empêchaient la police et l'armée de pénétrer dans les zones arabes. Je lui ai répondu qu'il fallait d'abord faire cesser les tirs contre nous. Il m'a donné son accord. Barak aussi. Et, ce même jour, ils ont encore tué l'un des nôtres ! J'ai officiellement demandé à la Knesset, lors d'une rencontre avec des députés du Parti travailliste, que le mandat de la commission d'enquête qui a été nommée permette de répondre à ces deux questions : comment se fait-il que des citoyens israéliens soient tués comme des lapins par la police ? Et quelle est la part de responsabilité du gouvernement ?
É. S. - Ce n'est pas la première fois dans l'histoire d'Israël que des Arabes israéliens sont tués lors d'affrontements. Quel aurait été l'intérêt de l'actuel gouvernement à agir ainsi, selon vous ?
M. B. - C'est, en effet, déjà arrivé deux ou trois fois durant les premières années de l'État d'Israël, notamment en 1956. Voilà donc très longtemps que des choses pareilles ne s'étaient plus produites. Et jamais les forces de l'ordre ne s'étaient acharnées contre nous de manière aussi massive et agressive. Nous organisons sans arrêt des meetings et des défilés sur tel ou tel problème social ou politique, comme tout citoyen en a le droit dans une démocratie, sans que la police nous tire dessus. Cette fois-ci, nous manifestions en faveur des Palestiniens, pour lesquels nous collectons des vivres, des médicaments, etc. Apparemment, c'était plus que ce qu'Israël pouvait supporter... La stratégie du gouvernement consiste à …
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