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LA GUERRE DE L'EAU

L'Intifada d'Al-Aqsa a révélé une réalité lourde de conséquences pour les Palestiniens : Israël contrôle la totalité des flux en provenance ou à destination des Territoires autonomes. Hommes ou marchandises, électricité ou Internet : tout doit passer par l'Etat hébreu à un moment ou à un autre. Et l'eau ne fait pas exception à la règle. Les autorités israéliennes peuvent, en effet, à tout instant «fermer le robinet», dans la mesure où elles gèrent l'ensemble du système d'infrastructures hydrauliques, des stations de pompage jusqu'au réseau de canalisations. Même si la menace d'interrompre complètement le flot d'eau potable vers les villes et villages palestiniens reste largement hypothétique, l'Etat hébreu dispose néanmoins de la capacité technique de limiter ou de perturber ses livraisons d'eau en fonction de la conjoncture politique. Une véritable épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus de la tête de la population palestinienne qui, depuis des années, souffre d'un approvisionnement parcimonieux et largement insuffisant. Car, en Palestine, comme ailleurs au Proche-Orient, le spectre de la pénurie d'eau menace.
Outre sa dimension politique, la problématique du partage des ressources hydriques est devenue un enjeu majeur pour tous les pays de la région. Régulièrement, le roi Abdallah II de Jordanie parle dans ses discours de « priorité nationale » absolue pour son royaume (1). Car le Proche-Orient commence à connaître des situations de « stress hydrique », selon la terminologie employée par les experts hydrauliques. Nombreux sont, en effet, les Etats qui se situent désormais sous le seuil de pénurie, estimé à 1000 m3 d'eau par habitant et par an. A 500 m3, la situation devient critique et à moins de 100 m3, il faut faire appel à des sources d'eau « non conventionnelles » comme le dessalement ou la réutilisation des eaux usées. Le Koweit, Qatar et Barhein disposent de 90 à 120 m3 par habitant et par an ; l'Arabie Saoudite de 160 m3 ; Israël de 400 m3 ; et la Jordanie de 260 m3. Ces deux derniers pays accusent un déficit d'environ 300 millions de m3/an qu'ils comblent en surexploitant les nappes phréatiques, dont certaines ne sont pas renouvelables.
Aujourd'hui, l'équilibre entre les besoins de l'homme (agriculture, tourisme, industrie et approvisionnement des villes) et la quantité d'eau disponible dans de nombreuses parties du Proche-Orient est rompu ou en passe de l'être. Face à une croissance démographique rapide combinée à un développement économique et social qui dévore les ressources hydrauliques, le fossé se creuse inexorablement. Tout au long de la dernière décennie, la crise de l'eau a atteint une ampleur inquiétante. L'ancien secrétaire général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali, a été l'une des premières personnalités internationales à tirer la sonnette d'alarme : « Le prochain conflit dans la région du Proche-Orient portera sur la question de l'eau (...). L'eau deviendra une ressource plus précieuse que le pétrole », assurait-il dès 1992. Peut-être parce qu'il vient d'un pays - l'Egypte - qui n'existerait pas sans le Nil, Boutros-Ghali connaît la valeur et la rareté de ce nouvel « or bleu …