Thomas Hofnung et Pierre Kogan - Le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, initié à Oslo il y a sept ans, avait suscité un immense espoir au Proche-Orient comme dans le reste du monde. Cet automne, une nouvelle Intifada a semblé sonner le glas de ce processus. La question du partage de la terre entre les deux peuples et la dimension religieuse des affrontements ne rendent-elles pas le conflit extrêmement complexe, voire insoluble ?
Shimon Pérès - La complexité n'est pas un élément nouveau : elle fait partie du conflit israélo-palestinien depuis l'origine. En réalité, nous sommes confrontés à un paradoxe étonnant : sur les questions territoriales, nos divergences avec les Palestiniens sont minimes ; elles ne portent que sur 2 à 3 % de la superficie totale. Mais, dans le même temps, le fossé psychologique tend à s'élargir entre nos deux peuples. Quant à la dimension religieuse du conflit, je vous répondrai qu'il nous faut militer de toutes nos forces pour une religion sans violences : Dieu oui, mais sans les bombes ! Sinon, nous devrons tous en payer le prix.
T. H. et P. K. - Certains des différends les plus aigus — le problème des réfugiés palestiniens notamment — remontent à la création de l'État d'Israël. Ne pensez-vous pas qu'il aurait mieux valu, dans le cadre défini à Oslo en 1993, aborder ces questions-là sans attendre ?
S. P. - Je suis convaincu du contraire. Nous nous serions exposés à un échec immédiat. Vous savez, même menées graduellement, pas à pas, les négociations sont toujours laborieuses. En fait, chaque négociation arrive à maturité en temps et en heure. Si une petite fille de quatre ans annonce qu'elle veut se marier, tout le monde la regardera avec incrédulité. Vingt ans plus tard, quand elle prononcera les mêmes paroles, personne n'y trouvera rien à redire. Les propositions qui sont faites aujourd'hui n'auraient jamais pu être évoquées il y a sept ans. La reconnaissance mutuelle entre l'OLP et Israël fut une véritable révolution, de même que l'aval donné par Israël à la création d'un État palestinien indépendant ou la renonciation des Palestiniens au tracé de 1947. Rendez-vous compte : jusqu'à Oslo, nous n'avions même pas d'interlocuteur désigné du côté palestinien ! La paix signée avec les Jordaniens découle également de ce processus. Si nous avions abordé tout de suite la question de Jérusalem, rien de tout cela ne se serait produit. Car Jérusalem est une question religieuse, pas politique. Or, en matière de religion, il est très difficile de trouver des compromis.
T. H. et P. K. - Arafat reste-t-il, à vos yeux, un partenaire fiable pour faire la paix ?
S. P. - Oui. Mon point de vue est sans doute celui d'une minorité d'Israéliens, mais d'une minorité que je qualifierai de « juste ». Vous aurez noté que je reste l'homme le plus populaire d'Israël. Mes idées sont, il est vrai, dans la minorité ; or ma personne, elle, est dans la majorité ! Pourquoi ? Parce …
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