La Pologne est - de loin - le plus vaste des douze pays candidats à l'Union européenne. Depuis l'effondrement du communisme, en 1990, elle a accompli une mue spectaculaire au prix d'une croissance économique sans équivalent parmi les autres pays d'Europe centrale et orientale. Preuve de son nouveau pouvoir d'attraction : la Pologne est aussi le premier pays d'accueil des investissements étrangers dans cette région. Les entrepreneurs français ne s'y sont pas trompés puisqu'ils occupent la tête du peloton.
Il faut dire qu'avec ses 39 millions d'habitants, la Pologne représente un marché non négligeable qui connaît, en outre, une transformation rapide. La transition vers l'économie de marché y est bien avancée. La plupart des fleurons de l'industrie ont été privatisés, ainsi que l'essentiel du secteur bancaire. Maintenue sous la barre des 10 %, l'inflation est sous contrôle, tandis que le chômage s'est stabilisé autour de 13 %. Seule ombre au tableau : le lourd déficit de la balance des paiements courants qui laisse craindre une crise financière à la mexicaine si la tendance n'est pas inversée.
Sur le plan politique, la Pologne vit, depuis novembre 1997, une situation de cohabitation inédite pour elle, avec un président de gauche et un gouvernement conservateur. Mais la patrie de Jean-Paul II, catholique à 90 %, n'en demeure pas moins fidèle à un modèle de stabilité sociale propre à rassurer les investisseurs étrangers. La réélection d'Aleksander Kwasniewski pour un deuxième mandat aux fonctions de président de la République de Pologne dès le premier tour a constitué une première dans l'histoire du pays. Elle illustre la popularité de ce pragmatique de 46 ans qui, bien qu'ancien cadre du régime communiste jusqu'à sa dissolution en 1990, a su se donner l'image d'un homme politique de gauche moderne et ouvert au dialogue. La grande affaire, désormais, c'est l'accession à l'Union européenne. Varsovie ne manque pas une occasion de rappeler que le pays sera fin prêt pour le 1er janvier 2003. D'aucuns considèrent cette ambition comme démesurée, au vu de l'ampleur des réformes qui restent à mener. Rien que pour adapter son système juridique aux acquis communautaires, la Pologne devra promulguer une bonne centaine de lois nouvelles ! En tout cas, qu'ils soient de gauche ou de droite, les dirigeants polonais se montrent inflexibles : la Pologne devra nécessairement faire partie de la première vague de l'élargissement ; et cela, dès le début de 2003. Il est vrai qu'un élargissement européen sans la Pologne apparaîtrait comme vide de sens ...
Pierre-Antoine Donnet - Monsieur le Président, le 8 octobre 2000, vos compatriotes vous ont réélu à la magistrature suprême, dès le premier tour du scrutin. Vous attendiez-vous à une victoire aussi facile ?
Aleksander Kwasniewski - Au soir de l'élection, j'ai pensé que cette victoire était la récompense d'un travail très dur. J'avais entamé mon premier mandat à une époque où la scène politique polonaise était très divisée. La campagne pour les présidentielles de 1995 s'était muée en une sorte d'affrontement personnel, politique et historique. Il ne faut pas oublier que mon concurrent de l'époque était Lech Walesa, une figure mythique doublée d'un prix Nobel. Au cours de ces cinq années, j'ai réussi à atteindre les objectifs les plus importants à mes yeux en imposant un style politique nouveau. Permettez-moi de rappeler aux lecteurs de votre prestigieuse revue que, sous mon mandat, une nouvelle Constitution (1) a été adoptée, qui a servi de socle à la réforme du système politique. J'ajoute qu'avant même d'être élu président, je dirigeais la Commission constitutionnelle et, une fois porté à la tête de l'État, je me suis engagé à fond dans la campagne pour le référendum sur la Constitution. Ce fut d'ailleurs une grande première : jamais, auparavant, une Constitution n'avait été adoptée par voie de référendum dans ce pays. A l'époque, toute la droite, sous la houlette de Marian Krzaklewski (2) et avec le soutien de l'Église, s'était élevée contre le texte. Malgré cette opposition, il a reçu l'onction du suffrage universel. La légitimité de la Constitution ne souffre ainsi aucune contestation.
P.-A. D. - Quels étaient les autres objectifs de votre premier mandat qui vous tenaient le plus à cœur ?
A. K. - Je réponds sans hésitation : l'entrée dans l'Otan. Notre adhésion est effective depuis mars 1999 (3) et le baptême du feu ne s'est pas fait attendre puisque la guerre du Kosovo et les bombardements sur la Serbie ont commencé deux semaines plus tard ! Non seulement nous avons su surmonter cette épreuve, mais la Pologne s'est révélée, à cette occasion, un partenaire très important. A ma grande satisfaction, l'opinion publique polonaise a fait preuve de maturité ; elle a compris qu'être dans l'Otan ne signifie pas seulement bénéficier de garanties de sécurité, mais aussi partager les risques et les responsabilités. Un autre objectif essentiel, de mon point de vue, était de construire des relations ouvertes et franches avec nos voisins. Je suis particulièrement content, à cet égard, de voir la qualité des liens que nous avons noués avec l'Ukraine, la Lituanie, la Slovaquie, l'Allemagne et la République tchèque. Et je regrette, naturellement, de ne pouvoir en dire autant à propos de la Russie. Enfin, quatrième et dernier objectif : j'avais proclamé, dès le début de ma magistrature, mon intention d'être un président rassembleur plutôt que diviseur. Et si l'on compare ma pratique du pouvoir à celle de mon prédécesseur (4), il me semble que le pari est tenu. J'ai survécu à trois gouvernements de tonalités politiques différentes, dont …
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