Politique Internationale - Quel a été votre premier sentiment au moment où Milosevic a annoncé son retrait du pouvoir ?
Paul Garde - J'ai éprouvé à la fois du soulagement et de l'inquiétude. Du soulagement, parce que l'on pouvait craindre, de la part du régime, une résistance plus opiniâtre et plus efficace qui aurait pu déboucher sur un bain de sang. De ce point de vue, la capitulation rapide de Milosevic a été une heureuse surprise. Comment ne pas partager la joie de tant de Serbes délivrés de ce régime de cauchemar ? Mais j'ai ressenti, aussi, de l'inquiétude : la fin de Milosevic n'allait-elle pas être considérée par les médias, le public, voire les chancelleries, comme la fin de tous les maux qui touchent cette région ? N'allait-elle pas servir à justifier un retour de la France à sa traditionnelle politique pro-serbe et conduire, par voie de conséquence, à une recrudescence des exigences de Belgrade, qui ne pouvaient, à leur tour, que déboucher sur de nouvelles tensions régionales ? La personnalisation outrancière de la question serbe de la part des médias, mais aussi de certains observateurs, pouvait le laisser redouter. Or Milosevic parti, les problèmes restent, et la même vigilance, la même rigueur demeurent nécessaires.
P. I. Que représente pour vous l'avènement de Vojislav Kostunica : une simple révolution de palais ? Un changement de régime ? Ou un tournant historique ?
P. G. - C'est beaucoup plus qu'une révolution de palais : sous Milosevic, il y avait vraiment un pouvoir personnel, celui du couple présidentiel (Slobodan et Mira) appuyé sur deux partis : le SPS du mari et le JUL de l'épouse (1). A présent, le pouvoir est dévolu à une authentique coalition regroupant de nombreux partis, dont beaucoup semblent réellement démocratiques. Les actes de violence et d'arbitraire, les assassinats, la tolérance pour les dérives mafieuses, de même que le recours aux armes pour régler les conflits appartiennent — du moins peut-on l'espérer — au passé. La légalité devrait désormais être respectée et la démocratie assurée. Ce qui est déjà un énorme pas en avant ! Malgré tout, je n'irai pas jusqu'à évoquer un « tournant historique ». Il faudrait, pour cela, que la révolution démocratique en cours en Serbie et la destitution de Milosevic marquent également la fin du cycle des conflits balkaniques déclenché, il y a treize ans, par l'accession au pouvoir de ce même personnage. A cet égard, tout dépendra des positions que le nouveau pouvoir adoptera sur les problèmes régionaux (Kosovo, Monténégro, Bosnie, etc.). Et ces positions elles-mêmes sont conditionnées par les rapports de force qui s'instaureront à Belgrade au sein des nouvelles autorités. Jusqu'aux élections serbes de décembre l'Opposition démocratique de Serbie (DOS) a dû partager le pouvoir avec le Parti socialiste serbe (SPS) de Milosevic. Depuis sa victoire dans ce scrutin, elle s'est débarrassée de cette fâcheuse cohabitation, mais elle n'en reste pas moins une coalition très composite, dans laquelle de nombreuses tendances coexistent. Si les éléments les plus modérés l'emportent, on …
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