Les Grands de ce monde s'expriment dans

AU NOM DU PERE ...

Colette Braeckman - Monsieur le Président, lorsque vous avez prêté serment devant la Cour Suprême et succédé à votre père, vous étiez encore un inconnu. Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?
Joseph Kabila - Je suis né en 1971 à Hewa Bora, à la frontière tanzanienne, dans le maquis de mon père (1). C'est d'abord là que j'ai vécu. Nous sommes ensuite allés en Tanzanie. Mais j'ai également passé du temps en Ouganda, plus précisément dans le maquis de Kasindi, implanté dans le massif du Ruwenzori. En 1996, comme mon père et les combattants de son mouvement, j'ai rejoint l'AFDL (2) et James Kabarebe (3), qui commandait les opérations du côté rwandais. Et c'est ainsi que, en 1997, je me suis retrouvé à Kisangani, lors de la victoire sur les mobutistes. J'ai vu comment les Rwandais se comportaient avec les réfugiés hutus et je me suis dit que nous finirions par avoir la guerre avec ces gens-là... Mais, par la suite, la commission de l'Onu chargée d'enquêter sur le massacre des réfugiés hutus a été empêchée de travailler. Son action a été systématiquement entravée et il était impossible de parler de ces massacres.
C. B. - Accepteriez-vous, aujourd'hui, que l'Onu relance cette enquête ?
J. K. - Bien sûr ! La commission devrait pouvoir revenir au Congo et y travailler librement. Mais force est de constater que cette affaire n'intéresse plus personne. Quant au sort des Congolais, il suscite plus d'indifférence encore. Depuis 1998, la guerre a fait bien d'autres victimes, congolaises celles-là. Une ONG américaine (4) a estimé que 2 500 000 Congolais avaient péri. Seulement, la communauté internationale ne s'en soucie pas. Voilà un génocide dont nul ne s'émeut !
C. B. - Ce sont des accusations très graves...
J. K. - Vous savez, dans les forêts du Kivu, il n'y a ni caméras de CNN, ni témoins. Qui s'intéresse vraiment aux massacres qui ont eu lieu à Makobola, à Kassika ou, plus récemment, à Shabunda ? Il se passe des choses très graves, mais lorsque les Mayi Mayi (5) dénoncent ces atrocités, on y voit de la propagande répandue par les extrémistes hutus (6). Tout se passe désormais comme si, aux yeux de la communauté internationale, le peuple congolais tout entier était devenu Interahamwe (7) !
C. B. - Vous semblez bien connaître les Rwandais. Avez-vous déjà rencontré le président Kagame, qui vous accuse d'abriter quelque 10 000 miliciens interahamwe hutus hostiles à son régime ?
J. K. - Oui, je le connais depuis 1996. Je connais aussi, je vous l'ai dit, le commandant James Kabarebe, avec lequel j'ai combattu. Certains prétendent que le Congo protège les Interahamwe. C'est absolument faux. Un jour, j'inviterai les représentants de la communauté internationale à rechercher les Interahamwe sur notre territoire et chacun pourra constater qu'il n'y en a pas au Congo. Contrairement à ce qui a été dit, ils n'ont pas été intégrés dans notre armée. Cette accusation n'est qu'un prétexte invoqué pour justifier la poursuite de la guerre. La …