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CONGO-KINSHASA : CHRONIQUE D'UNE GUERRE INUTILE

La foule en pleurs qui a accueilli la dépouille mortelle de Laurent-Désiré Kabila et suivi ses obsèques n'était pas composée uniquement de militants des comités de pouvoir populaire, les cellules politiques qui quadrillent la ville. En Afrique, la mort gomme les ressentiments et les rancunes ; elle efface les carences et les échecs. La plupart des Congolais, à Kinshasa comme dans les principales villes du pays, y compris les territoires occupés, n'ont voulu retenir du président assassiné quarante ans jour pour jour après la mort de Patrice Lumumba que l'image d'un « libérateur », le souvenir d'un homme qui, le 17 mai 1997, avait chassé Mobutu du pouvoir. Les Congolais ont pleuré l'image du père et oublié qu'à la veille de sa mort le marasme économique avait rendu Kabila impopulaire. Mais, comme à l'occasion de tous les deuils, ils ont aussi pleuré sur eux-mêmes, sur leur misère, leur pays divisé et les incertitudes du lendemain ...
Une succession paisible
Si le chagrin causé par la disparition d'un homme souvent décrit comme un dictateur honni a surpris les observateurs étrangers, la suite des événements devait se révéler plus troublante encore.
Contre toute attente, alors que la Belgique se préparait déjà à évacuer ses ressortissants, la transition s'est déroulée dans le plus grand calme. Déstabilisation, chaos, retour au pouvoir d'anciens mobutistes, débarquement de forces étrangères et mise sous tutelle du pays : aucun de ces scénarios catastrophe ne s'est réalisé. Dans la nuit qui suivit l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila, ses proches se mirent d'accord pour ramener à Kinshasa son fils Joseph, qui se trouvait alors à Lubumbashi. Chef d'état-major des forces terrestres à 29 ans, le fils du défunt, qui n'affichait jusqu'alors aucune ambition politique, apparut comme le plus petit commun dénominateur susceptible d'éviter l'affrontement entre les différentes factions au pouvoir. Cette solution fut approuvée par les alliés, Angola et Zimbabwe, qui, cette même nuit, dépêchèrent des renforts à Kinshasa pour verrouiller la capitale et empêcher tout dérapage.
Dans ce pays où pas moins de six Etats africains ont envoyé des corps expéditionnaires (12 000 hommes pour le Zimbabwe, 2000 pour la Namibie, 6000 pour l'Angola, 20 000 pour le Rwanda, 12 000 pour l'Ouganda et quelques milliers pour le Burundi) et où plus de 40 :% du territoire sont aux mains de mouvements rebelles, la disparition du président et l'accession au pouvoir de son fils ont été marquées par un arrêt généralisé des combats. Malgré une légitimité contestée et des origines prétendument tutsies, Joseph Kabila a été adopté par la majorité de la population. Mieux encore : son discours d'intronisation lui a soudainement ouvert les portes de capitales étrangères qui avaient, jusque-là, ostensiblement boudé son père.
Alors qu'en décembre dernier la situation semblait totalement bloquée, un vent d'optimisme souffle désormais sur la région: le 22 février, sous l'impulsion de la France, le Conseil de sécurité a voté la résolution 1341 qui enjoint aux troupes étrangères de se retirer du pays conformément à la résolution 1304 et aux accords de Lusaka (1) …