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IRAK : LA COMPLAINTE DU PARIA

Maxime Pierson - L'attitude de la nouvelle administration Bush vis-à-vis de l'Irak et la reprise des frappes aériennes, réalisées conjointement avec les Britanniques, marquent-elles, selon vous, un tournant dans la politique américaine ?
Nizar Hamdoun - Sans doute est-il encore un peu tôt pour en juger, mais je ne vois rien, pour l'instant, de bien nouveau dans le comportement du successeur de Bill Clinton à notre égard. Aujourd'hui comme hier, la souveraineté politique de l'Irak et les principes mêmes du droit international sont bafoués par des bombardements anglo-américains qui n'ont pas reçu l'aval de l'ONU. Pas plus que le maintien des zones d'exclusion aérienne (1), au nord et au sud de l'Irak, n'a été approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU. En un mot comme en cent, Bush junior perpétue la politique de Clinton, tout comme Clinton a continué celle de Bush senior. A l'instar de l'ex-administration démocrate, la nouvelle administration républicaine semble décidée à court-circuiter, par l'action militaire et la réactivation systématique des tensions, toute chance, aussi infime soit-elle, d'une réintégration de l'Irak dans le concert des nations. Les bombardements ont repris alors même que le secrétaire général de l'ONU, à l'image de la majorité des membres du Conseil de sécurité, était acquis à la nécessité d'une levée prochaine de l'embargo. Et, comme par un fait exprès, depuis les frappes américano-britanniques, les discussions sur la levée de l'embargo sont au point mort ! C'est la répétition du scénario que nous avions connu en décembre 1998, lorsque des frappes du même genre avaient empêché l'Irak d'obtenir la normalisation progressive de sa situation au plan international...
M. P.- Vous aurez remarqué que la première tournée au Moyen-Orient du nouveau secrétaire d'État américain aux Affaires étrangères, Colin Powell, a été centrée sur la question irakienne alors que, sous l'ère Clinton, le thème dominant était le processus de paix au Proche-Orient : ne faut-il pas y voir un changement de cap de la part de Washington ?
N. H. - La seule véritable inflexion que nous avons relevée, jusqu'ici, dans le discours des Américains, c'est cette histoire de sanctions « douces et intelligentes » prônées désormais par la Maison-Blanche. Est-ce à dire que les sanctions appliquées depuis dix ans à mon pays étaient dures et imbéciles ? Pour l'instant, nous ne savons pas en quoi consisteront ces éventuelles représailles d'un nouveau type. D'après les informations que nous avons pu recueillir, il s'agirait d'opérer une distinction très nette entre le gouvernement et le peuple irakien. Si c'est bien ce que les dirigeants américains ont en tête, nous ne pouvons qu'exprimer notre désaccord avec une démarche qui reviendrait tout bonnement à nier, de l'extérieur, la légitimité du gouvernement de Bagdad... Lorsque l'administration Bush aura clarifié ses intentions, je suis persuadé que les Irakiens et la communauté internationale se rendront compte du caractère arbitraire de son approche. Au cours de la décennie passée, mes compatriotes ont montré qu'ils ne voulaient pas être complices d'une politique visant à affaiblir l'Irak. Et je pense qu'ils n'accepteront pas, …