A peine arrivés à la Maison-Blanche, George W. Bush et son équipe ont relancé de manière spectaculaire le projet de défense antimissile du territoire américain - projet connu du temps de Bill Clinton sous le nom de NMD (National Missile Defense). C'était prévisible, car le sujet était l'une des rares originalités du programme de la nouvelle équipe en matière de sécurité. Celui qui n'était encore que candidat à la présidence avait affirmé à plusieurs reprises, pendant sa campagne, que sa «priorité» serait la protection des « cinquante Etats américains, de nos amis et alliés, ainsi que des forces américaines d'outre-mer » contre des attaques de missiles. La nomination de Donald Rumsfeld à la tête du Pentagone, dès janvier, était encore plus significative : l'homme avait, en effet, été parmi les premiers, dans un célèbre rapport publié en 1998, à tirer la sonnette d'alarme face à la menace des «Etats voyous». Lui et ses amis républicains reprochaient à la NMD de Bill Clinton de ne comporter qu'un seul site d'intercepteurs. Au-delà des cas particuliers de la Corée du Nord, de l'Irak et de l'Iran, l'idée d'une telle défense antimissile avait pourtant provoqué la fureur de Moscou et de Pékin, ainsi que les inquiétudes de nombreux Européens. Va-t-on, avec un président qui durcit le ton et semble vouloir chausser les bottes de Ronald Reagan pour se lancer dans une nouvelle « guerre des étoiles », au devant d'une crise internationale majeure ?
Nous n'en sommes pas tout à fait là, d'autant que l'équipe Bush se dit résolue à consulter longuement tous ses alliés et partenaires, y compris la Russie, la Chine et le Japon (1). Mais la question est posée. Elle se serait d'ailleurs posée avec n'importe quel président puisque le débat de ces dernières années n'opposait pas les adversaires aux défenseurs de la NMD : il se jouait entre ceux qui voulaient davantage de NMD et ceux qui se contentaient du programme relativement modeste adopté sous la pression des Républicains, majoritaires au Congrès. Al Gore lui-même, s'il avait été élu, aurait dû prendre dès ce printemps une décision cruciale que Bill Clinton avait laissée l'été dernier à son successeur : le lancement de la construction à Shemya, une île de l'archipel des Aléoutiennes, d'un radar à hautes performances (dit « à bande X »), premier élément du projet démocrate. Or, si l'on voulait respecter le calendrier, qui prévoyait une mise en service du système en 2005, il était impératif d'ouvrir ce chantier au printemps 2001. Un des paradoxes de la situation est que cette échéance sera probablement reportée, George W. Bush ayant décidé de « remettre à plat », d'ici à l'été 2001, l'ensemble du dispositif militaire américain, NMD comprise. Mais il est clair qu'il ne s'agira que de reculer pour mieux sauter, et que son programme sera plus ambitieux que celui de Bill Clinton.
Cela dit, la NMD n'est qu'un épisode supplémentaire dans l'éternel combat entre le glaive et le bouclier, entre les armes offensives et défensives. Dans le domaine …
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