La scène se passe à Bagdad, en janvier dernier, par un froid matin d'hiver : le président Saddam Hussein al-Takriti passe en revue ses troupes d'élite à l'occasion de la Journée de l'armée. Parmi les centaines d'invités de marque, de nombreux diplomates et attachés militaires assistent à la cérémonie : pour beaucoup, c'était la première fois qu'ils voyaient le dictateur en chair et en os depuis des années. Les festivités durèrent près de treize heures - treize heures au cours desquelles Saddam Hussein, debout (alors que le reste de l'assemblée était confortablement installé sur des chaises) prit le temps de saluer sa Garde présidentielle, de tirer des coups de feu en l'air, de fumer quelques havanes et de bavarder avec ses aides de camp lors de brefs intermèdes.
Cette mise en scène visait clairement à faire passer deux messages : le premier était que Saddam Hussein, dont les médias occidentaux annonçaient qu'il avait été victime d'une crise cardiaque quelques jours auparavant, était en parfaite santé. Tout le monde a pu se convaincre de sa résistance physique, la cérémonie étant retransmise en direct à la télévision (1). Le second message était que l'Irak avait reconstitué une part importante de sa machine de guerre et qu'il s'imposait, de nouveau, comme une puissance militaire avec laquelle il fallait compter. Parmi les armements rutilants exposés aux regards des spectateurs, les nouvelles versions des missiles de fabrication irakienne Al-Husein, Al-Samoud, Al-Fatah et Ababil (2) brillaient de mille feux.
Selon les autorités, il s'agissait d'un « défilé de la victoire » marquant ce que Saddam Hussein continue de considérer comme un « triomphe » remporté sur la coalition de 32 pays menée par les Etats-Unis - une coalition qui, il y a dix ans, avait délogé ses troupes du Koweït. Les médias irakiens ont raconté pour la énième fois la légende dorée d'un Saddam « nouveau Saladin » qui aurait écrasé les « nouveaux Croisés » et qui s'apprêterait à libérer Jérusalem des « Juifs oubliés de Dieu ».
De l'avis général, cette parade n'a pas offert l'image d'un dirigeant mourant et d'un régime au bord de la désintégration. Comme si deux défaites militaires en l'espace d'une génération suivies par une décennie d'isolement diplomatique n'avaient en rien entamé l'ambition de Saddam Hussein. Tout imprégné du mythe de l'antique Babylone, il se rêve lui-même en nouvel Hammourabi (3).
Les souffrances du peuple irakien
Mais le luxe tapageur des festivités de Bagdad contraste avec l'avalanche d'informations de toutes sortes sur les « immenses souffrances infligées au peuple irakien ». Le choeur international des diplomates, des travailleurs sociaux, des humanitaires et des anti-américains professionnels égrène la litanie des « conséquences tragiques » des sanctions décrétées par l'ONU à la suite de l'invasion du Koweït en août 1990. Un rapport étonnant, commandé par l'Unicef, va jusqu'à avancer le chiffre d'un demi-million d'enfants morts depuis 1991 du fait de l'embargo, sans en apporter la moindre preuve crédible.
Les partisans d'une levée des sanctions mettent en avant deux types d'arguments parfois contradictoires. …
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