La Colombie est une métaphore de la modernité. Le voyageur candide arrivant à Bogota pourrait parfaitement se croire dans une grande ville dynamique en plein développement. Un coup d'oeil aux indicateurs économiques - qui font apparaître, après la grave récession de 1999, une nette reprise des investissements et de la croissance - confirmerait sa première impression. Il rencontrerait ensuite des élites administratives et économiques entreprenantes et ouvertes, prêtes à faire de la Colombie un moteur de la région andine. Connaissant par ailleurs l'immense richesse naturelle de ces contrées, il ne tarderait pas considérer ce pays comme l'un des plus prometteurs du monde.
Il lui faudrait alors se confronter à l'autre Colombie, celle de la violence, de l'injustice et de l'absurdité - une Colombie « moderne » parce qu'engagée à la pointe de la délinquance internationale, reposant sur des réseaux qui se défient de l'Etat et donnent aux acteurs armés les moyens de persévérer dans leur logique de conquête territoriale. Une Colombie qui détourne son esprit d'entreprise et son trop-plein d'énergie vers des activités néfastes. Une Colombie qui produit 80 % de la cocaïne consommée dans le monde. De cette Colombie s'enfuient aujourd'hui tous ceux qui se sentent menacés ou qui, tout simplement, veulent vivre une vie « normale » : en quatre ans, ils auraient été 800 000 à trouver refuge à l'étranger et l'on estime à plus d'un million le total des personnes déplacées, ce qui place le pays au troisième rang mondial, en nombre de réfugiés, derrière le Soudan et l'Angola.
Lors de son élection en 1998, le président Pastrana avait affirmé qu'il faudrait à la Colombie un «plan Marshall» pour sortir de la guerre. Il indiquait par là que des investissements massifs seraient nécessaires tant pour lutter contre la désintégration sociale due à la pauvreté et à la violence que pour redonner de la vigueur à un Etat absent d'une grande partie du territoire national. La référence au «plan Marshall» signifiait également que l'argent devait partiellement venir de l'étranger, et notamment des Etats-Unis. Dès la fin de l'année 1999, cette perspective se concrétisait par l'annonce d'un « plan Colombie » dont l'ampleur financière était effectivement à la mesure de l'enjeu mais dont la nature éminemment politique suscitait de multiples contestations.
Un contexte de guerre
Avec l'élection d'Andres Pastrana, les Colombiens espéraient sortir enfin de la crise profonde que traverse leur pays(1). Succédant à un président libéral, Ernesto Samper, totalement déstabilisé par des accusations de corruption, Pastrana, issu du camp conservateur, a su incarner la voie de l'alternance par le dialogue. Son mandat a commencé dans un climat de confiance et de soutien populaire qui lui permettait d'envisager avec optimisme l'ouverture des négociations avec la principale guérilla, les FARC (Forces armées révolutionnaires colombiennes). Il leur accorda des concessions immédiates et importantes, en particulier la création d'une vaste zone de plus de 40 000km2 au sud du pays (le Caguan) d'où l'armée régulière devait se retirer pour laisser la place au pouvoir guérillero. Les FARC n'ont pas semblé répondre …
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