Brigitte Adès - Vous êtes le principal théoricien de la « Troisième voie », dont s'inspire le gouvernement Blair. Êtes-vous satisfait de la façon dont vos idées sont appliquées en Grande-Bretagne depuis quatre ans ?
Anthony Giddens - La Troisième voie n'est pour moi qu'une étiquette. Elle désigne le débat en cours sur l'avenir des politiques de centre gauche. Face au déclin du socialisme traditionnel et à l'essor de la mondialisation, que doit faire la gauche pour échapper à ses vieux démons, qui l'ont si longtemps condamnée à demeurer dans l'opposition ? Dans les pays de l'Union européenne, en Amérique latine ou dans les États démocratiques d'Asie, les partis de centre gauche s'inscrivent tous dans un cadre à peu près similaire. Ils ont dû abandonner les recettes du passé (keynésianisme orthodoxe, nationalisations...) qui, à l'évidence, ne fonctionnent plus.
B. A.- Quels sont, dans les différents pays, les résultats concrets de cet aggiornamento ?
A. G.- Si le débat est très fécond, sa traduction politique est extrêmement variable selon le contexte national. Ici, au Royaume-Uni, le système bipartisan assure Tony Blair d'un solide soutien électoral. En France, en revanche, M. Jospin dirige un gouvernement de coalition. De même en Hollande, au Danemark ou en Allemagne. Les idées de la Troisième voie passent donc au travers de divers filtres nationaux avant de s'incarner. Mais sur le plan des idées, chacun comprend qu'il est urgent de moderniser la social-démocratie. Tels sont les contours de la Troisième voie.
B. A.- Quel est le bilan du premier mandat de Tony Blair ?
A. G.- En tant que partisan du gouvernement travailliste, je ne vous étonnerai guère en vous disant qu'il me paraît plus que satisfaisant. D'abord, sa gestion économique est saine. Les précédents cabinets travaillistes s'étaient tous retrouvés, plus ou moins rapidement, dans une situation de crise fiscale. En un mot, ils avaient trop emprunté. Le New Labour a échappé à cette règle en se démarquant nettement de l'action des Travaillistes traditionnels. Et la pensée de la Troisième voie n'y est pas étrangère, qui préconise une gestion macro-économique prudente. Il ne saurait plus être question, par exemple, de venir systématiquement en aide aux industries inefficaces. A cet égard, le gouvernement a réussi, et l'électorat le reconnaît. Ce premier point est fondamental. En second lieu, le gouvernement Blair a adopté des mesures plus fortes qu'on ne le dit généralement en faveur de la justice sociale. Peut-être avez-vous lu que l'inégalité a progressé, dans ce pays, depuis 1997. La vérité, c'est qu'il est difficile d'en juger. Le crédit d'impôt pour les ménages dont les deux conjoints travaillent, la priorité accordée à la lutte contre la pauvreté des enfants, les politiques de redistribution des revenus en faveur des personnes âgées devraient, d'ici quelques années, porter tous leurs fruits. Si bien que le bilan de Tony Blair sera sans doute, dans ce domaine, plus flatteur que celui de ses prédécesseurs travaillistes — à l'exception, peut-être, de Clement Attlee, de 1945 à 1951.
B. A.- Il reste que la proportion …
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