Adrian Nastase, 51 ans, a entamé sa carrière politique au printemps 1990, en rejoignant le Front du salut national (FSN). Il a réalisé jusqu'à présent un parcours sans faute: député à quatre reprises (en 1990, 1992, 1996 et 2000), ministre des Affaires étrangères de 1990 à 1992, président (1992-1996) puis vice-président (1996-2000) de la Chambre des députés, il a été nommé premier ministre le 28 décembre 2000.
Lors de la scission du FSN, en avril 1992, quand nombre d'hommes politiques de sa génération choisissent de suivre l'ex-premier ministre Petre Roman, lui décide de rester aux côtés du président Ion Iliescu et du Front démocratique du salut national, rebaptisé, en 1993, Parti de la démocratie sociale de Roumanie (PDSR). Au pouvoir de 1992 à 1996, le PDSR passe ensuite dans l'opposition. Il y restera jusqu'aux élections législatives de novembre 2000 dont il sort victorieux. Numéro deux du PDSR depuis 1993, Adrian Nastase en est devenu le président le 21 janvier 2001. Le 16 juin, le PDSR a fusionné avec le Parti social-démocrate roumain et a pris le nom de Parti social-démocrate.
Le nouveau premier ministre roumain ne cache pas avoir fait partie des privilégiés de l'ancien régime. Après des études de droit et de sociologie, il entre à l'Institut de recherches juridiques de Bucarest et, à partir de 1977, assume la vice-présidence de l'Association de droit international et de relations internationales, qui oeuvre dans les coulisses du pouvoir. Adrian Nastase a alors le choix: faire partie du sérail ou adhérer aux idées réformatrices et - à l'époque - subversives de Mikhaïl Gorbatchev. Les événements de décembre 1989 décideront pour lui.
Reste-t-il prisonnier de son passé? On serait tenté de le croire à en juger par ses réserves sur l'utilisation des archives de l'ex-Securitate. Mais, pour l'essentiel, son discours s'apparente à celui de ses homologues sociaux-démocrates d'Europe centrale issus, eux aussi, des anciens partis communistes. Il est résolument partisan d'une économie libérale. Les premières mesures prises par son gouvernement vont dans ce sens. Dans le droit fil des réformes engagées par son prédécesseur Mugur Isarescu, elles rompent avec la politique suivie par le PDSR entre 1992 et 1996.
Adrian Nastase, qui affirme s'inspirer d'un socialisme à la franç aise, est conscient que la réussite de sa politique sociale dépend du redressement économique du pays. Ce redressement est également la condition sine qua non de l'adhésion de la Roumanie aux structures euro-atlantiques, objectif que M. Nastase se dit fermement déterminé à atteindre.
L'évolution décevante de la Roumanie depuis la chute du communisme - y compris durant les quatre années (1996-2000) pendant lesquelles le centre droit était au pouvoir - incite cependant à la prudence. Quelle que la soit la sincérité de ses engagements, Adrian Nastase devra surmonter bien des difficultés pour réaliser ses promesses. Outre une situation sociale alarmante, la fragilité des institutions démocratiques, la montée d'une mouvance populiste, autoritaire et ultra-nationaliste représentée par le parti Romania Mare (Grande Roumanie), le premier ministre doit faire face, dans son propre camp, à des conflits d'intérêts et de mentalités. Il lui faut composer avec une vieille garde communiste mollement convertie à la social-démocratie et dont la clientèle est habituée à vivre aux dépens d'entreprises d'état subventionnées. Il doit aussi tenir compte de ces nouveaux entrepreneurs, issus pour la plupart de la nomenklatura et de l'ex-Securitate, ouverts en principe aux réformes, mais peu enclins à se plier à des règles de transparence et de concurrence loyale.
A cet égard, le rôle des institutions internationales - l'UE, la Banque mondiale, le FMI, l'Otan, voire l'Internationale socialiste - sera essentiel pour «encourager» le nouveau gouvernement roumain à accomplir un véritable changement.
Mihnea Berindei et Arielle Thedrel - La Roumanie est aujourd'hui en queue du peloton des pays candidats à l'Union européenne. En mars 2000, votre pays a ouvert des négociations sur cinq des 31 chapitres concernant l'acquis communautaire. Ces discussions ont abouti en mai. En octobre-novembre de la même année, quatre autres chapitres ont été abordés. Au total, six chapitres ont été clos provisoirement alors que la Bulgarie, par exemple, en a déjà finalisé neuf. Comment expliquez-vous ce retard ?
Adrian Nastase - Cela me rappelle l'esprit de compétition qui animait, à une certaine époque, les pays du groupe de Visegrad (1). Chacun voulait être le premier de la classe. Bien sûr, je suis conscient qu'il va nous falloir résoudre un certain nombre de difficultés économiques, politiques et sociales, mais je ne suis pas inquiet. Nous avons même l'intention d'accélérer le processus de négociation en vue d'une adhésion en 2007. Et nous espérons ouvrir tous les chapitres d'ici à la fin de l'année 2002. Je tiens à souligner que tous les partis politiques roumains soutiennent notre effort (2).
M. B. et A. T. - Selon un eurobaromètre réalisé fin 2000, le pays candidat à l'Union européenne qui recueille le plus de suffrages est la Hongrie (46 %). La Roumanie est celui qui réalise le score le plus faible (33 %). Quelles réflexions ces résultats vous inspirent-ils ?
A. N. - L'eurobaromètre n'est pas un thermomètre ! Il mesure non pas les performances des candidats, mais l'image qu'ils projettent à l'extérieur ainsi que l'efficacité du lobbying international. Sur ce point, il faut reconnaître que les Hongrois sont meilleurs que nous, même si cette image correspond aussi à une réalité économique et sociale. On a gâché nos chances ces quatre dernières années. En 1996, en effet, la Roumanie devançait la Bulgarie parmi les candidats à l'adhésion. Le PIB par habitant s'élevait alors à 6 600 dollars. Il est retombé à 5 900 en 2000 (3).
M. B. et A. T. - En 1996, quand votre parti a perdu les élections, on aurait pu aussi pointer du doigt la dette extérieure (4). Il y a toujours une réforme en retard. Tout de même, la croissance a repris en 2000 !
A. N. - C'est vrai, la reprise s'est amorcée en 2000. Pour en revenir à l'eurobaromètre, je dirais que nous avons un problème de communication. La Roumanie, malheureusement, reste perçue comme le pays des descentes de mineurs, des chiens errants, de la violence, et non pas comme le seul pays latin de la région — un pays de culture et de civilisation anciennes. Nous n'avons pas su promouvoir notre image comme la Hongrie a su le faire dès la période communiste.
M. B. et A. T. - Si l'on excepte l'Albanie, le volume des investissements étrangers en Roumanie est le plus faible d'Europe de l'Est : 243 dollars par habitant contre 527 en Pologne et 1967 en Hongrie pour les années 1989-1999 (5)...
A. N. - Les investissements restent, en effet, à un niveau …
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