Uri Dan - La gauche israélienne et ses sympathisants à l'étranger espèrent que vous serez un nouveau de Gaulle. C'est-à-dire un homme d'État qui saura renoncer à la Judée-Samarie et à la Bande de Gaza, comme de Gaulle a renoncé à l'Algérie. Cet espoir est-il vain ?
Ariel Sharon - Il n'y a aucune similitude entre les deux situations, entre la grande République française et le petit État d'Israël, entre une Algérie éloignée de la France et certaines parties de notre pays où nous devons vivre côte à côte avec nos voisins ou mêlés à eux, comme à Jérusalem et dans d'autres régions. Le gouvernement précédent était prêt à évacuer la majorité des territoires et même à céder Jérusalem-Est, comme s'il s'agissait d'une contrée lointaine. Qu'en est-il résulté ? Une immense catastrophe ! Je ne prétends pas apporter de solution immédiate et définitive, mais une réponse de longue haleine qui nous permettrait de mettre graduellement à l'épreuve l'évolution de nos relations avec les Palestiniens. Soit dit en passant, la France a quitté l'Algérie il y a quarante ans, mais l'Algérie a-t-elle quitté la France ?
U. D. - Vos conceptions ont-elles changé au fil des années ?
A. S. - Mes positions de base sur la sécurité et la politique d'Israël restent inchangées, sauf sur un point : la Jordanie, que je considérais autrefois comme étant la Palestine. Or il ne saurait y avoir deux États palestiniens. La situation ayant évolué, il faut préserver l'indépendance et la sécurité du royaume de Jordanie. C'est ce que j'ai tenu à expliquer au roi Hussein en son temps, et maintenant à son successeur, le roi Abdallah. La Jordanie revêt une importance stratégique considérable car elle est un facteur de stabilité au Moyen-Orient. C'est, par ailleurs, le seul pays arabe qui s'est efforcé de trouver une solution au problème des réfugiés palestiniens sur son territoire. Elle mérite donc toute l'assistance internationale qui pourrait lui être accordée.
U. D. - En proie à des affrontements armés incessants avec les Palestiniens, Israël fait l'objet de mises en garde tout aussi incessantes contre les risques d'une escalade militaire généralisée. Comment définiriez-vous cette phase de l'histoire de votre pays ?
A. S. - L'État d'Israël peut, une fois de plus, se défendre. Il en a le droit, le devoir et la capacité effective. Sans être en danger de guerre généralisée, il se trouve dans un état de guerre imposé par l'Autorité palestinienne et, de ce point de vue, notre Guerre d'Indépendance n'est pas terminée. Nous vivons aujourd'hui un nouvel épisode de cette lutte, où chacun de nous doit donner le meilleur de soi. Les Juifs, qui ont rêvé d'avoir leur propre État et qui l'ont créé, doivent être prêts à se battre pour son existence lorsqu'il le faut. La défense de tout pays a son prix, et en particulier celle de ce petit État juif — la seule démocratie du Moyen-Orient — qui, grâce aux talents et à l'esprit de sacrifice de ses citoyens, a réussi à construire …
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