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LES MEDIA RUSSES A L'OMBRE DU KREMLIN

La dernière décennie a été le témoin de changements considérables dans le paysage médiatique russe. Au début des années 90, une presse indépendante et dynamique voit le jour tandis que les débats - symboles du nouveau pluralisme politique - envahissent les écrans de télévision. Ce développement des médias a été l'un des facteurs essentiels du processus de démocratisation de la Russie. Dix ans plus tard, on a pourtant le sentiment d'assister à un retour en arrière : les pouvoirs publics multiplient les ingérences dans le secteur de la communication, sans que l'on sache encore si cette tentative de reprise en main sonne véritablement le glas de la liberté d'expression.
Grandes manoeuvres dans l'audiovisuel
La formation du paysage médiatique actuel remonte à 1996, à la veille des élections présidentielles : redoutant une victoire des communistes, certains magnats de l'industrie qui se sont enrichis grâce aux privatisations du début des années 90 investissent alors massivement dans les médias afin d'assurer la réélection de Boris Eltsine. Les deux hommes d'affaires rivaux, Boris Berezovski et Vladimir Goussinski, font alliance pour soutenir un Eltsine impopulaire et malade. Cette manipulation politique de la presse écrite et audiovisuelle est facilitée par le soutien inconditionnel apporté au président sortant par de nombreux journalistes qui partagent les mêmes inquiétudes. Une fois réélu, Eltsine saura se montrer reconnaissant...
Depuis, cinq acteurs principaux occupent le terrain médiatique :
- la Corporation de la radiotélévision d'Etat de Russie (VGTRK) dont les piliers sont la chaîne nationale RTR ainsi qu'un vaste réseau de radios et de télévisions émettant dans les 89 régions du pays. Le directeur de RTR est nommé directement par le chef de l'Etat ;
- Boris Berezovski qui, grâce à ses liens avec le puissant aide de camp de Boris Eltsine, Alexandre Korjakov, obtient, en 1994, 49 % des parts de l'ancienne chaîne soviétique, Ostankino, privatisée et rebaptisée ORT. Il exercera, jusqu'à l'avènement de Vladimir Poutine, une influence décisive sur la deuxième télévision nationale semi-publique. Au printemps 2000, après un différend avec le Kremlin, il vend (en échange, dit-on, d'une immunité dans le scandale du détournement des fonds d'Aeroflot) ses parts dans ORT à des groupes financiers proches de l'Etat. Mais il conserve le contrôle de la chaîne commerciale TV6, diffusée à Moscou, et de plusieurs quotidiens importants tels que Nezavissimaia Gazeta et Kommersant ;
- Media Most, fondé par Vladimir Goussinski en 1994 - un groupe tentaculaire dont les fleurons sont la télévision commerciale nationale NTV, la chaîne satellite NTV Plus, le réseau de stations régionales TNT, la radio Ekho Moskvi, le quotidien Sevodnia et l'hebdomadaire Itogui. NTV, Itogui et Sevodnia sont passés, en avril dernier, dans le giron de la compagnie d'Etat Gazprom Media ;
- Gazprom Media, filiale du géant pétrolier Gazprom, qui est devenu actionnaire majoritaire de NTV, Itogui et Sevodnia (et qui possède plusieurs quotidiens nationaux ainsi qu'une centaine de titres régionaux) ;
- la ville de Moscou à travers la personne de son maire, Iouri Loujkov, qui, outre la télévision TV Tsentr, contrôle le …