Le Japon va mal mais l'atmosphère politique change. Même si les mauvaises nouvelles économiques continuent à pleuvoir, la population s'enthousiasme pour son nouveau premier ministre. Junichiro Koizumi rassemble plus de 80 % d'opinions favorables alors qu'à la fin de son mandat son prédécesseur, Yoshiro Mori, était tombé à moins de 7 %. Le chef du gouvernement semble incarner aux yeux des Japonais un nouvel optimisme, notamment auprès des femmes et des jeunes qui l'ont soutenu.
Ce changement d'atmosphère ne doit pourtant pas masquer les difficultés de fond. Après dix ans de quasi-stagnation, le pays pourrait renouer avec la récession cette année. La dette publique nipponne atteint des proportions abyssales ; le chômage est à son plus haut niveau depuis la guerre (1) ; et la crise bancaire menace à nouveau. L'Etat est « proche de l'effondrement financier » déclarait, en mars dernier, le ministre des Finances Kiichi Miyazawa devant la Diète. De son côté, la presse occidentale en rajoute et parle de « marasme, faillite, sinistrose, horror show ». Les caractéristiques du système japonais, présentées il y a trente ans comme les clés de la réussite de l'archipel dans des ouvrages restés célèbres - tels que Le Japon médaille d'or ou Japon troisième grand (2) - sont aujourd'hui considérées comme de lourds handicaps. Bref, Dr Jeckyll et Mr Hyde du monde développé, l'archipel continue à défier l'analyse occidentale.
La « Japan Inc. » des décennies antérieures reposait, d'une part, sur un large consensus autour de l'objectif implicite du rattrapage, puis du dépassement de l'Occident et, d'autre part, sur une forte interdépendance entre le pouvoir politique, la bureaucratie et le monde des affaires. Le « triangle d'airain » des élites japonaises était un lointain héritage de l'ère Meiji - cette révolution de palais qui avait imposé une réorganisation du pays par le haut, au nom de l'Empereur.
La défaite de 1945 n'avait pas fondamentalement changé le mode de fonctionnement des élites. Le ministère des Finances avait remplacé le ministère de l'Intérieur au coeur du pouvoir bureaucratique. Dans le monde des affaires, les zaibatsu avaient resurgi sous la forme plus diffuse des keiretsu. Et le Parti libéral démocrate (PLD) régnait sans partage sur le monde politique.
La crise que traverse le Japon actuellement est, avant tout, celle d'une élite traditionnelle qui a perdu, à la fois, une vision claire de l'avenir et une cohésion dans l'action collective. Face à cette élite aux abois qui tire le pays vers le bas, des forces sociales nouvelles, puissantes et créatives émergent peu à peu. Le succès populaire de Junichiro Koizumi reflète l'espoir que le monde politique vienne enfin à la rencontre du pays réel.
Le PLD en lutte pour sa survie
Jusqu'à l'élection de Junichiro Koizumi, le système politique semblait tétanisé. Fataliste, Noriko Hama, directeur du Mitsubishi Research Institute, comparait son pays à un homme en proie à une malédiction qui le ferait irrémédiablement rétrécir sans qu'il puisse conjurer ce mauvais sort. Comme s'il fallait aller au bout d'une logique de destruction pour pouvoir renaître... …
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