S'il fallait résumer d'un mot la position de Chen Shui-bian à Taiwan, ce serait certainement celui-ci : fragile. Et comment pouvait-il en être autrement ? Avec son élection à la présidence, en mars 2000, la République de Chine a connu, pour la première fois en près d'un siècle d'existence, une véritable alternance démocratique. Installé depuis cinquante-cinq ans dans l'île, le parti nationaliste, le Kuomintang (KMT), a dû céder les rênes du pouvoir au Parti démocratique progressiste, le PDP. Les descendants du « Père de la Patrie », Sun Yatsen, peuvent à la fois s'enorgueillir d'avoir réalisé le rêve de leur ancêtre, et se désoler des souffrances humaines innombrables qu'il fallut connaître avant d'en arriver là. Car c'est peu dire que les Chinois ne se sont pas montrés tendres les uns envers les autres tout au long du XXe siècle ! Il suffit de rappeler la longue période de chaos généralisé provoquée dans les années 20 et 30 par l'ambition démesurée de quelques seigneurs de la guerre, pour la plupart incultes et violents, puis les déchirements sanglants qui mirent aux prises partisans du Kuomintang et communistes, avant l'avènement des deux dictatures qui se regardèrent en chiens de faïence pendant vingt-cinq ans : celles de Mao Zedong à Pékin et celle de Chiang Kaichek à Taipei.
Aujourd'hui Chen Shui-bian souffre d'un double handicap : l'absence d'héritage démocratique et la persistance d'une tradition vieille comme la Chine - celle de la bureaucratie céleste. Cette bureaucratie, qui s'incarne dans une classe de mandarins inamovibles et inertes, se compose aujourd'hui des membres du KMT omniprésents dans toutes les institutions, les ministères et les secteurs économiques. Le nouveau président réussira-t-il à imposer à ses compatriotes de nouveaux modes de comportement ? Parviendra-t-il à se maintenir au pouvoir jusqu'au terme de son mandat, ou devra-t-il abandonner en cours de route, sous la pression d'adversaires qui auront refusé de lui donner sa chance ?
Même si la cérémonie d'intronisation de Chen Shui-bian, le 20 mai 2000, a été saluée avec enthousiasme par la majorité des pays démocratiques et des Chinois de la diaspora, la mauvaise humeur des dirigeants communistes, d'un côté, et des anciens dirigeants du KMT, de l'autre, n'aura pas permis au nouveau gouvernement de goûter sereinement aux joies de la victoire. En un an, de multiples difficultés ont surgi, qui ont apporté leur lot de suspense et de rebondissements à la vie politique de la région. En devenant la première véritable démocratie de l'histoire chinoise, l'île de Taiwan s'est en fait aventurée sur une route périlleuse et semée d'embûches. En faire la liste serait fastidieux, et l'on se contentera d'en énoncer quatre : l'inadaptation des institutions à une situation inattendue qui aurait nécessité la mise en place d'une cohabitation à la française ; l'impossibilité pour Chen Shui-bian de tenir ses promesses électorales, en particulier dans le domaine du nucléaire ; le comportement ambigu des membres du KMT dans leurs relations avec la Chine populaire ; et l'hostilité du milieu des hommes d'affaires, bien décidés à investir …
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