Jean-Pierre Perrin - Monsieur le Président, le retrait israélien de la zone occupée au Sud-Liban, en mai 2000, avait suscité l'espoir que cette partie du Proche-Orient retrouverait enfin la paix. Un an plus tard, force est de constater qu'il n'en est rien. A qui incombent, selon vous, les responsabilités de cette tension persistante à votre frontière ?
Émile Lahoud - Je tiens d'abord à préciser que si l'occupant israélien s'est retiré du Liban-Sud et de la Békaa-Ouest, ce n'est nullement pour se mettre en conformité avec la résolution 425 du Conseil de sécurité (1) qu'il violait depuis 22 ans. En fait, Israël a dû reculer devant la Résistance nationale et l'armée libanaise, autour desquelles notre peuple avait resserré les rangs. L'État hébreu, dont le monde entier reconnaît la suprématie militaire dans la région, a donc été vaincu par la volonté de résistance des Libanais. C'est une sévère défaite. Mais si Israël se retrouve dans une impasse, c'est aussi en raison des prises de position agressives de M. Sharon. Cet État tente, par tous les moyens, d'entretenir la tension dans la région. Non seulement il occupe toujours les fermes de Chébaa (2), mais il n'a jamais libéré les Libanais arbitrairement détenus dans ses prisons et il viole régulièrement notre espace aérien, maritime et terrestre. Tant qu'Israël poursuivra sa politique d'agression, nous résisterons. Et cela, jusqu'à ce que la totalité de nos territoires nous soit restituée et jusqu'à ce que l'intégralité de nos droits soit respectée.
J.-P. P. - Au Sud-Liban, fief du Hezbollah, l'État libanais semble peu présent. A maintes reprises, Paris a souhaité que l'armée de votre pays se déploie véritablement dans cette zone, ce que demande également une partie de la classe politique libanaise. Pourquoi vous y refusez-vous, et à quelles conditions pourriez-vous changer d'avis ?
É. L. - La situation est beaucoup plus complexe que ce que votre question semble suggérer. D'une part, le retrait israélien du Liban n'a pas été total. D'autre part, la sécurité des régions libérées est assurée. La situation est stable grâce, en particulier, à l'efficacité des mesures prises par les Forces de sécurité intérieure. Le nombre d'incidents est très réduit (3). En revanche, les conditions d'une paix juste, globale et permanente n'étant pas réunies, et le retrait ennemi demeurant, comme je vous le disais à l'instant, inachevé, il n'est pas question de déployer nos forces aux frontières avec Israël. D'une part parce que l'armée libanaise ferait alors office de bouclier (4) pour Israël, mais aussi parce qu'elle risquerait d'être prise en tenaille si l'ennemi lançait des opérations militaires derrière ses lignes.
J.-P. P. - La question des fermes de Chébaa occupe beaucoup la diplomatie française et la communauté internationale. Celles-ci comprennent mal que la guerre puisse reprendre pour quelques hameaux isolés dont quasiment personne, au Liban, ne semblait connaître l'existence avant le retrait israélien. D'ailleurs, la souveraineté libanaise sur les fermes de Chébaa demeure incertaine. Est-on bien sûr qu'elles sont libanaises et non pas syriennes ?
É. L. - En vertu du droit …
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