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ALGERIE: L'AUTOMNE DES GENERAUX

Une décennie après le début de la « sale guerre », l'Algérie semble ne devoir jamais sortir de la crise dans laquelle elle est plongée depuis l'annulation des élections législatives de 1991. Après quelques mois de relative accalmie, la violence s'est réinstallée depuis le début de l'été, de manière brutale et inexpliquée. Des civils, souvent parmi les plus démunis, sont régulièrement massacrés. Des membres des forces de sécurité tombent dans des embuscades meurtrières. Et cet été, pour la première fois depuis deux ans, Alger et les complexes touristiques de la côte ont renoué avec les attentats (1). Auparavant, la jeunesse de Kabylie s'était révoltée et le mouvement de contestation avait essaimé dans le reste du pays. La répression avait fait près de cent morts - 55 officiellement - entre mi-avril et début mai. La vie politique est verrouillée par un arsenal législatif limitant drastiquement les libertés, notamment celle de la presse et des professionnels de la justice (2). La paupérisation galopante n'épargne quant à elle même plus les classes moyennes, tandis que le chômage frappe massivement les jeunes.
On est loin de l'euphorie volontariste qui entoura, en 1999, l'arrivée aux affaires d'Abdelaziz Bouteflika orchestrée par les « décideurs », cette poignée de généraux qui détiennent la réalité du pouvoir. Les Occidentaux s'étaient convaincus que le nouveau président et ancien « baron » du socialisme étatique tiendrait ses promesses : ramener la paix et réformer l'économie, l'éducation, l'administration et la justice. On s'efforçait de croire qu'il en avait les moyens car, imposé par la haute hiérarchie militaire, il avait le soutien de l'armée. Il bénéficiait, en outre, d'une situation particulièrement favorable grâce aux recettes financières exceptionnelles générées par l'augmentation du prix des hydrocarbures. Dès lors, Europe et Etats-Unis ne s'étaient pas contentés de fermer les yeux sur la fraude massive qui avait entaché son élection. Ils avaient crédité d'une volonté réformatrice un homme dont la vision du monde s'est arrêtée aux années 70 et qui n'a jamais fait mystère de son aversion pour le pluralisme. Deux ans plus tard, l'ancien ministre des Affaires étrangères de Houari Boumediene (1965-1979) a montré ses limites.
Sa « concorde civile » n'a pas ramené la paix. Les réformes qu'il jugeait « indispensables » sont en panne, bloquées entre autres par la corruption. Aucune privatisation n'a été réalisée, alors qu'un millier d'entreprises ont été mises en faillite avec 400 000 licenciements à la clef (3) . Embourbé dans un interminable conflit de pouvoir avec les « décideurs » de l'armée, il n'en finit pas de parcourir le monde, inspirant à ses concitoyens cette plaisanterie amère : « Vous savez où Bouteflika fera sa prochaine visite officielle ? En Algérie. » Les Algériens en nourrissent le sentiment que le principal souci du chef de l'Etat demeure de conforter son image à l'étranger, avec un seul objectif : inverser en sa faveur le rapport des forces au sommet du pouvoir.
Le tournant de 2001
Comment sortir de cette crise ? Personne ne semble en mesure de prévoir la …