C'est l'heure de la prière du vendredi à la mosquée de Kharj. Cette ville anonyme, située au sud de Riyad, fut le centre nerveux de la machine de guerre qui vainquit Saddam Hussein et libéra le Koweït en 1991. Dix ans plus tard, Kharj abrite toujours un nombre indéterminé de militaires américains qui continuent à jouer un rôle clé dans le maintien de la sécurité de la région - une région qui, rappelons-le, recèle environ les deux tiers des réserves pétrolières mondiales.
Ce vendredi-là, pourtant, point d'Américains en vue. En fait, ils ne se montrent pas non plus en public les autres jours, cantonnés qu'ils sont dans leurs campements sévèrement gardés à quelques kilomètres de là. La mosquée est bondée : les Bédouins du cru voisinent avec quelques citadins et une masse grouillante de « travailleurs invités » venus d'Asie du Sud-Est. Le prêcheur, un cheikh égyptien, annonce dans son micro grinçant que le sermon du jour portera sur la « perfidie des Juifs et de tous ceux qui les soutiennent contre les vrais croyants ». Il se lance alors dans le récit de l'histoire de David et Bethsabée qu'il érige en « exemple de falsification juive ».
« David était un prophète d'Allah » dit-il. « Et pourtant, les Juifs l'ont dépeint comme un coureur de jupons et un mari infidèle. Pouvait-on s'attendre à autre chose de la part d'une tribu maudite qui a toujours défié la volonté de Dieu ? » Et de poursuivre en fustigeant les Etats-Unis qui ne seraient, à ses yeux, qu'une « marionnette aux mains des Juifs » et « un symbole d'arrogance satanique dans le monde ».
A ces mots la foule répond aux cris d'« Allah Akbar » (Allah est le plus grand ) et «les Juifs au feu». Une fois le sermon terminé, un groupe de jeunes noirs distribue des dattes et des boissons à l'eau de rose parmi les fidèles sous l'oeil attentif des dignitaires locaux - ceux-là mêmes qui ont construit la mosquée, qui financent ses activités et qui rétribuent les services du cheikh d'importation.
La déferlante anti-américaine
De telles scènes sont devenues familières à tous ceux qui se rendent fréquemment dans les Etats arabes du golfe Persique. Que ces Etats soient considérés par Washington comme de proches alliés ne semble pas préoccuper les maîtres à penser de cette idéologie fondée sur la haine, authentique ou feinte, d'Israël et de l'Amérique. Des sermons du même genre sont prononcés chaque vendredi dans des milliers de mosquées au Koweït, en Arabie Saoudite, à Bahreïn, au Qatar, dans les Emirats arabes unis et à Oman, les six nations qui forment le Conseil de coopération du Golfe (CCG).
Mais la rhétorique anti-américaine ne reste pas confinée aux lieux de culte. Dans des pays comme le Koweït ou les Emirats, où il existe une relative liberté de la presse, les journaux et les magazines se livrent à une véritable surenchère dans l'anti-américanisme le plus enragé, le plus souvent en liaison avec le conflit israélo-arabe. …
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