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CHINE : SILENCE, ON EXECUTE !

Depuis le mois d'avril 2001, se déroule en Chine l'une des plus violentes campagnes d'exécutions capitales que le pays ait connues au cours des vingt dernières années. Survenant à un moment où Pékin manifeste de plus en plus visiblement le désir de s'intégrer à l'ensemble du monde développé, cette vague de violence institutionnelle surprend par son ampleur. La volonté de maintenir la stabilité justifie-t-elle de telles mesures ? Faut-il y voir une sorte de préparation à la passation de pouvoir qui doit avoir lieu l'an prochain, lors du XVIe congrès du Parti communiste chinois ? Ou bien le pouvoir, renonçant à tout faux-semblant, aurait-il décidé de prouver aux citoyens qu'il tient la situation bien en main et qu'il les protège efficacement contre tous les « mauvais éléments » ? La question est d'autant plus grave qu'elle concerne, pour cette seule année, au moins trois mille Chinois qui vont trouver (ou ont déjà trouvé) la mort sans que personne ne se préoccupe de leur sort.
Qui mérite la peine de mort ?
Amnesty International ne cesse de le répéter : la Chine exécute chaque année plus d'individus que tous les autres pays de la planète réunis. Depuis quelques mois, ce triste constat s'alourdit : au cours du seul printemps 2001, les condamnations à mort ont été plus nombreuses que dans l'ensemble du reste du monde au cours des trois dernières années. Depuis le début des années 90, l'organisation de défense des droits de l'homme en a recensé près de 30 000 tout en reconnaissant que ses estimations sont certainement très inférieures à la réalité.
Qui sont donc ces individus si malfaisants qu'ils méritent un tel destin ? Des assassins, des violeurs, des voleurs, des corrompus, des trafiquants de drogue, affirment les journaux. Il n'y a malheureusement aucune étude disponible sur la question et le nombre d'exécutés, les causes des exécutions, le déroulement des procès continuent à rester un secret d'Etat. Il n'empêche que la lecture des entrefilets dans la presse régionale et chinoise de Hong Kong, comme celle des rapports annuels d'Amnesty International sur la peine capitale, donnent une image assez nette d'une certaine criminalité telle qu'elle est vécue au quotidien dans la Chine profonde.
Depuis la dernière révision du Code pénal, le nombre de crimes passibles de la peine de mort est passé de près de 20 en 1980 à 68 en 1997. Parmi ceux-ci, on compte 28 crimes qui n'ont rien à voir avec la violence physique, comme la fraude fiscale et la contrebande. Peuvent ainsi être condamnés à mort des dealers, quand bien même ils n'auraient sur eux que quelques dizaines de grammes d'héroïne, des trafiquants d'objets d'art, des fonctionnaires corrompus, des proxénètes ou des braconniers (notamment lorsqu'ils s'attaquent à des espèces rares comme le panda).
D'après le Code pénal, un criminel est passible du châtiment suprême lorsque « les circonstances sont graves ». Il est évident que l'interprétation de la gravité d'une situation peut donner lieu à des conclusions radicalement opposées. La Chine s'était pourtant implicitement engagée, …