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EUROPE-ETATS-UNIS : DU BON USAGE DE LA RECESSION

Mois après mois, le ralentissement économique mondial observé depuis près d'un an se confirme et les attentats du 11 septembre n'ont fait qu'accentuer la tendance. Dans ce climat d'incertitude, plusieurs questions émergent : comment l'économie mondiale pourra-t-elle surmonter le ralentissement, voire la récession qui s'annonce ? L'évolution de l'économie américaine depuis un an signifie-t-elle que la « Nouvelle économie » était une illusion ? Quelles sont les inflexions prévisibles ou souhaitables de la politique économique américaine ? Quelles leçons l'Europe peut-elle tirer de l'évolution de ces dernières années ?
Faut-il craindre une récession durable ?
A l'horizon des mois qui viennent, une récession paraît inévitable aux Etats-Unis : des trois composantes de la demande - la consommation des ménages, l'investissement des entreprises et du secteur public, les exportations - seule la consommation des ménages avait continué à progresser à un rythme soutenu au cours des douze derniers mois. Cette confiance avait empêché que le ralentissement ne se transformât en récession ; la croissance du PNB américain avait beaucoup diminué sans, toutefois, devenir négative. Les attentats ont ébranlé cette confiance, et l'on peut donc s'attendre à ce que l'économie américaine soit en récession à la fin de l'année 2001.
Cette récession, si elle reste brève, apparaîtra avec le recul comme une péripétie : avec des comptes publics excédentaires et un taux de chômage de 5 %, les Etats-Unis peuvent subir une détérioration temporaire de la conjoncture sans, pour autant, courir au désastre. C'est pourquoi la question pertinente porte plutôt sur la capacité des économies américaine, européenne et japonaise à surmonter la récession ... Et la réponse n'est pas aisée dans la mesure où la situation actuelle est, par plusieurs aspects, profondément inédite.
Une récession atypique
Pour commencer, les causes de la récession sont inhabituelles. Depuis la Seconde Guerre mondiale, toutes les récessions américaines ont été provoquées par des erreurs de politique économique. Ces erreurs étaient souvent le fait du pouvoir politique : par exemple, la plupart des présidents républicains, par souci de rigueur budgétaire, freinaient brusquement les dépenses publiques dès leur entrée en fonctions - ce qui explique pourquoi la deuxième année de presque toutes les présidences républicaines fut marquée par une récession. Inversement, la plupart des présidents démocrates se montraient trop laxistes en début de mandat, ce qui provoquait un emballement de la croissance puis, par réaction, un resserrement monétaire (et parfois budgétaire) en deuxième partie de mandat. Du coup, la fin des présidences démocrates fut souvent marquée par une croissance faible (1). Selon des travaux récents, les à-coups de la politique menée par les gouvernements américains successifs et par la Réserve fédérale furent la principale source d'instabilité économique pendant l'après-guerre (2). Conséquence logique : les récessions pouvaient être surmontées en rectifiant les erreurs de politique économique qui les avaient engendrées.
La situation actuelle est bien différente. Loin d'être dû à la politique budgétaire ou monétaire, le danger de récession relève d'une causalité économique endogène : exagérément optimistes quant à l'évolution future de leurs profits et de la croissance, les …